Thème : Courants

Géométrie colorée dans le triangle des Açores

Géométrie colorée dans le triangle des Açores

Magnifique Ponta dos Capelinhos, où l'on distingue bien le "rajout" volcanique récent et l'ancien phare.

C’est à une belle nuit de navigation que nous avons droit pour rallier Faial au départ de Flores. Une nuit où l’on doit serrer le vent de près, puisque le vent de sud choisit d’y ajouter une composante est, mais comme il ne souffle pas trop fort et que la mer est calme, c’est presque une partie de plaisir. Lorsque les oscillations du vent le permettent, on grappille un peu au vent et lorsque le vent refuse à nouveau, nous suivons la rotation pour ne pas perdre en vitesse. Durant toute la nuit, nous réussissons à tenir tête à nos amis hollandais de Kairos et de Schorpioen, dont l’AIS nous révèle la position quelques milles sur notre tribord arrière (tandis que eux ne savent pas que nous sommes là !) Au lever du jour, nous subissons le passage d’une petite ligne de grains inattendue mais relativement inoffensive, et nous commençons ensuite notre approche sur l’île de Faial. Tout en sachant qu’en laissant porter nous devrons par la suite nous battre contre le vent le courant, nous décidons néanmoins de ne pas faire du près serré et de passer au pied de la Ponta dos Capelinhos, la pointe ouest de l’île et site de l’éruption volcanique de 1957-58.

Complètement à l’ouest

Complètement à l’ouest

Des tapis d'hortensias bleus viennent souligner la magnifique Rocha das Bordões

Déjà près de deux jours après le départ de Halifax, lorsque l’Ile de Sable s’estompe dans le sillage, il reste encore 1’300 milles à parcourir et donc encore une bonne dizaine de jours de mer. Nous nous surprenons nous-mêmes à nous engager de la sorte dans cette traversée, sans réellement y penser. Il est vrai que ce sera la troisième transat du voyage : la première date d’il y a 7 ans déjà et nous avait menés du Cap-Vert au Brésil, au travers du Pot-au-Noir, et la seconde nous avait menés il y a quelques mois d’Afrique du Sud au Brésil, via Ste-Hélène et Ascension. On pourrait penser que nous sommes blasés, et pourtant, la transat que nous commençons désormais a tout d’une nouveauté : c’est la première que nous effectuons hors des tropiques et dans le sens ouest-est. L’Atlantique Nord, ce n’est pas une mince affaire, et nous resterons jusqu’à la fin bien au-dessus des 40°N. Et pourtant, notre état d’esprit nous parait différent : nous sommes tranquilles, malgré une météo pas tout à fait facile. Dans les jours à venir, le vent va refuser et forcir, si bien que nous subirons quelques jours avec un vent costaud sur l’avant du travers, une situation qui vous nous faire danser.

Nouvelle-Angleterre : Mystic, Newport et Boston

Nouvelle-Angleterre : Mystic, Newport et Boston

Le soleil couchant embrase le ciel à notre arrivée à Onset. Le lendemain à l'aube, nous passerons sous le magnifique pont ferroviaire qui enjambe le Cape Cod Canal.

Le courant peut être assez prononcé dans le Long Island Sound, et nous profitons donc le lendemain de notre départ de la région de New York pour bien avancer. Nous prévoyons de dormir aux Thimbles, joli amas de cailloux situés non loin de New Haven, dans le Connecticut, et hérissés de mansions typiques de la Nouvelle-Angleterre. L’endroit est effectivement pittoresque, mais voilà, le vent nous est favorable et cessera de l’être dans la journée du lendemain. Aussi choisissons-nous de pousser 25 milles plus loin, dans la baie de Niantic, que nous atteignons à la tombée de la nuit. Nous sommes ainsi bien positionnés pour parcourir le lendemain matin la dizaine de milles restante jusqu’à l’entrée de la Mystic River. Nous remontons ce magnifique ria, bordé de belles maisons, jusqu’à passer deux ponts qu’il faut faire ouvrir à la VHF. Le pont ferroviaire tourne, tandis que le pont routier se lève en basculant, et après ce double franchissement Fleur de Sel atteint Mystic Seaport, l’un des plus fabuleux musées maritimes au monde.

Fleur de Sel croque la Big Apple

Fleur de Sel croque la Big Apple

Fleur de Sel remonte la Hudson River et passe au pied des buildings

Il faisait encore nuit, ce 4 juin au matin, lorsque Fleur de Sel est entrée dans la baie de New York. Du phare de West Bank, nous entendrons bien mieux l’entêtante corne de brume que nous n’en devinerons la silhouette et c’est sur quelques rares nuages rougeâtres, puis rosissant et enfin dorés, que le jour s’est levé sur Long Island, avec la skyline de Manhattan en arrière-plan. Le pont des Verrazano Narrows, lui, se dessinait auparavant en lumière depuis plusieurs heures, mais c’est maintenant sur un grand ciel bleu qu’il nous accueillait au petit matin dans la partie intérieure de ce port mythique.

Escale un peu short aux Bermudes

Escale un peu short aux Bermudes

Danse de Gombey pendant la Bermuda Day Parade

Les premiers jours de navigation après les Antilles sont plaisants. Le temps est ensoleillé, ce qui est agréable autant pour nous que pour les batteries du bord dont la charge remonte. Seule la pêche est un peu contrariante, car nous ne cessons de moissonner des sargasses. Au bout de deux jours, notre premier anticyclone nous abandonne et il nous faut subir un passage mou et pluvieux, où l’atmosphère est lourde et la mer chaotique. Le lendemain c’est enfin le front qui passe, nous accueillant sous les latitudes tempérées avec une belle pluie torrentielle ! Comme on avait quitté, peu auparavant, et pour la dernière fois, les tropiques, on se demande si c’était un adieu tropical ou une bienvenue en Atlantique Nord.

Les Petites Antilles en pointillé [1] : Madinina

Les Petites Antilles en pointillé [1] : Madinina

La magnifique Habitation Clément, 100% pur jus de cane

Nous avions mouillé dans le noir et c’est donc après un bon repos, et surtout une fois le jour levé, que nous découvrons la baie de Ste-Anne. La météo pour notre premier jour antillais est plus que maussade, puisque nous passons la matinée à nous faire balayer sans relâche par des grains. A la faveur d’une accalmie, nous décidons toutefois de nous faufiler dans le fond du Cul-de-Sac Marin et de nous amarrer à la marina du Marin (au cas où vous n’auriez pas deviné, il y a un thème maritime dans la toponymie…) C’est là que nous prenons nos quartiers pour huit jours, sur une place tout au bout d’une ponton excentré – agréable car tranquille et à l’écart du trafic, mais peu pratique car l’aller-retour à terre demande vingt minutes ! En tous les cas, c’est l’occasion de nous reposer après nos traversées équatoriales à la vitesse de l’éclair. L’occasion aussi de faire un bon arrêt technique et logistique.

La Guyane comme une fusée (mais sans fusée)

La Guyane comme une fusée (mais sans fusée)

Début avril, nous voici donc de nouveau en mer. Fleur de Sel navigue cap au nord sur l’eau vert-de-gris laiteuse qui baigne la côte brésilienne. Et comme nous longeons le talus continental, pendant toute la nuit nous slalomons entre des pêcheurs, heureusement tous éclairés, mais il faut veiller attentivement. Poussés par un bon alizé de sud-est, ainsi qu’un peu de courant, à l’aube du deuxième jour on double le Cabo São Roque, le coin nord-est du pays. Nous quittons alors le plateau continental pour poursuivre un peu plus au large et nous retrouvons enfin les eaux bleu dense de l’océan, pendant que le courant nous entraîne maintenant vers l’ouest et se renforce. Nous entrons dans une première zone de grains, et au gré des sautes de vent, nous enchaînons les empannages, réussissant parfois à longer le même cumulonimbus pendant des heures en profitant de son vent.

En terre zouloue

En terre zouloue

Grand évènement en cette fin d’année : la famille de Nicolas au grand complet venait nous retrouver et passer les fêtes. Pour pallier aux éventuels aléas d’une traversée de deux semaines (et en particulier la météo), nous avions pris de la marge – tant et si bien qu’une fois arrivés à Richards Bay, nous avions plus de deux semaines d’avance. Une fois installés au Zululand Yacht Club, nous avons donc pu vaquer à nos occupations sans urgence. D’une part nous avons pu faire pas mal d’entretien à bord. Les claquements dans la houle avaient soumis le bateau à rude épreuve pendant la traversée, et il a fallu réparer une des poulies ouvrantes cassée. Le génois, lui, commençait à se découdre ou à se déchirer en plusieurs endroits, et il a fallu l’affaler, le recoudre et le rehisser. La grand-voile, elle aussi, commençait à se déchirer sur le guindant au point d’attache d’un coulisseau, ce qui commence à être embêtant, mais plus embêtant encore, la têtière commençait à s’arracher, et l’on a réparé comme on a pu. La perche IOR avait rompu son support – Heidi l’avait rattrapée in extremis en mer – et nous l’avons donc refixée de manière plus permanente. Le moteur, lui, avait besoin qu’on en fasse la vidange, ce qui fut fait sans tarder. Enfin, nous avons décidé qu’après l’exigeante traversée de l’Océan Indien, le vérin du pilote auto avait besoin d’une révision complète. Ce faisant, nous avons trouvé les roulements dans un état peu reluisant, mais nous l’avons requinqué autant que possible.

Chevauchée de cow-boy pour la fin de l’Indien

Chevauchée de cow-boy pour la fin de l’Indien

Coucher de soleil alors que Fleur de Sel fait route plein sud-ouest en configuration océanique : retenue de bôme sur la GV et écoute de largue sur le génois sont à poste.

Et voilà, la réunion est terminée 😉 Après encore 10 jours de merveilleuses rencontres et superbes découvertes au départ de St-Pierre (et notamment l’ascension du volcan, le Piton de la Fournaise), nous avons largué les amarres ce matin. Comme prévu la houle a baissé suffisamment pour nous laisser franchir l’entrée du port, autrement barrée par des rouleaux de surf. Et comme la météo semble aussi bonne qu’elle pourra l’être, vogue la galère et advienne que pourra.

Le bord le plus long

Le bord le plus long

L'Océan Indien déchaîné

Entre les Cocos, que nous quittons, et Rodrigues, que nous visons, il y a environ 2’000 milles nautiques à parcourir. Nous avons déjà parcouru plus que cela en 2011, entre Juan Fernandez et Rapa Nui, l’Ile de Pâques – mais il n’y avait alors qu’un peu plus de 1’630 milles à parcourir en ligne droite, et ce n’est que parce que nous avions du contourner l’anticyclone de l’Ile de Pâques que nous avons du faire un grand détour. Cette fois-ci, rien de tout cela : 2’000 milles d’immensité océanique à parcourir sans terre au milieu. Cette fois-ci, nous ne ferons pas 40% de route en plus mais seulement 1,4% ! Autant dire que Fleur de Sel va s’en tenir quasi-strictement à l’orthodromie, la route la plus courte selon le grand cercle. Et surtout, chose incroyable, la constance des alizés de l’Océan Indien vont faire que nous réaliserons le trajet dans sa quasi-entièreté sur un seul bord, bâbord-amures. Un gigantesque bord de 13 jours, voilà ce à quoi il fallait que nous nous attendions – oui, vous avez bien lu, 13 jours pour 2’000 milles ! Ce sera donc une traversée unique pour Fleur de Sel, longue, rapide, et faut-il le préciser pas tout à fait confortable. Attachez vos ceintures, il n’y a pas de sortie de secours, et en route, donc, pour la traversée de l’Indien…

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