Thème : Journal

En terre zouloue

En terre zouloue

Grand évènement en cette fin d’année : la famille de Nicolas au grand complet venait nous retrouver et passer les fêtes. Pour pallier aux éventuels aléas d’une traversée de deux semaines (et en particulier la météo), nous avions pris de la marge – tant et si bien qu’une fois arrivés à Richards Bay, nous avions plus de deux semaines d’avance. Une fois installés au Zululand Yacht Club, nous avons donc pu vaquer à nos occupations sans urgence. D’une part nous avons pu faire pas mal d’entretien à bord. Les claquements dans la houle avaient soumis le bateau à rude épreuve pendant la traversée, et il a fallu réparer une des poulies ouvrantes cassée. Le génois, lui, commençait à se découdre ou à se déchirer en plusieurs endroits, et il a fallu l’affaler, le recoudre et le rehisser. La grand-voile, elle aussi, commençait à se déchirer sur le guindant au point d’attache d’un coulisseau, ce qui commence à être embêtant, mais plus embêtant encore, la têtière commençait à s’arracher, et l’on a réparé comme on a pu. La perche IOR avait rompu son support – Heidi l’avait rattrapée in extremis en mer – et nous l’avons donc refixée de manière plus permanente. Le moteur, lui, avait besoin qu’on en fasse la vidange, ce qui fut fait sans tarder. Enfin, nous avons décidé qu’après l’exigeante traversée de l’Océan Indien, le vérin du pilote auto avait besoin d’une révision complète. Ce faisant, nous avons trouvé les roulements dans un état peu reluisant, mais nous l’avons requinqué autant que possible.

Un autre monde

Un autre monde

Nous sommes entrés dans les eaux indonésiennes à la nuit tombante, juste après avoir passé le talus continental australien, et une trentaine de milles plus loin nous devions passer au niveau de la fosse qui sépare Timor de l’Australie. C’est là que nous avons vécu notre première expérience indonésienne : nous avons eu l’impression de nous faire entourer par une horde de bikers aquatiques ! A tenter de percer la noirceur de la nuit, j’ai fini par discerner aux jumelles quelques silhouettes d’embarcations, une douzaine peut-être, et à m’apercevoir que la plupart étaient équipées d’une lampe flash bleue, rouge ou blanche – feux que j’avais bien du mal à voir à l’oeil nu, le bruit signalant bien mieux la présence de ces pêcheurs. Quelques coups de lampe frontale pour leur signaler que je les ai vus, auxquels ils me répondent avec leur lampe, et le croisement se fait sans heurts. Dans le restant de la nuit, la veille fut nettement plus assidue qu’auparavant (et plus auditive !), mais les seuls autres pêcheurs croisés étaient, eux, très éclairés. Sans doute s’agissait-il de “squid boats”, des pêcheurs de calamars, qui sont plutôt des arbres de Noël ambulants !

La plus inhospitalière des côtes [2] : Ningaloo Reef, Pilbara et Broome

La plus inhospitalière des côtes [2] : Ningaloo Reef, Pilbara et Broome

En un peu plus de 24 heures d’une navigation pour une fois agréable et sans histoire, nous passons de la région de Shark Bay à celle du Ningaloo Reef. Nous retrouvons alors le domaine de la grande houle, qui constitue un paramètre essentiel pour l’exploration de cette côte difficile. Ici aussi, de nombreux navires ont terminé leur course, et malheureusement, lorsque nous approchons de Coral Bay, le petit village touristique du sud du Ningaloo, nous tombons en pleine opération de recherche en mer : deux hommes partis pêcher à bord de leur bateau à moteur ne sont pas rentrés la veille et plusieurs bateaux, un hélicoptère et un avion ratissent la zone plusieurs jours durant. Nous ouvrons l’oeil également, et alors que pour effectuer notre approche nous empannons deux fois le long du récif, nous voyons sans mal comme il peut être sans pitié : la grande houle du large vient terminer sa course au-dessus du corail dans un fracas majestueux et incessant, déployant à chaque rouleau une puissance phénoménale. Malheureusement, nous constatons vite que la passe est bien trop large pour abriter le mouillage de Maud’s Landing vers lequel nous nous dirigeons. Mais nous n’avons pas le choix, car il est interdit de rentrer dans Coral Bay proprement dite, tant elle est damée de corail, bien trop dangereux pour qui ne connait pas bien le coin.

Dans le sud tasmanien pour les Fêtes

Dans le sud tasmanien pour les Fêtes

L’amarrage à Constitution Dock, en plein centre de Hobart, est plus bruyant que ce que nous pensions, entre le bruit de la route, celui des véhicules de nettoyage, celui des camions poubelles, celui des passants éméchés la nuit, et celui des préparatifs pour l’arrivée de la course Sydney-Hobart. Mais il est vrai que nous bénéficions d’une position centrale, qui va nous permettre de déambuler en ville à volonté et d’y faire des courses – nous ferons 4 ou 5 allers-retour chez “Woolies” (surnom de Woolworths, grande chaîne de supermarchés australiens), à chaque fois chargés comme des mules de provisions en tous genres. Avec de l’eau à volonté, nous pouvons faire plein de lessives, et il y a même des lave-linges à disposition dans les sanitaires, ce qui est parfait pour les grandes pièces. Au milieu de notre séjour, John, du musée maritime, vient nous demander si nous pouvons nous déplacer, car il doit, lui, mettre le bateau vainqueur de la course de 1947 à notre place pour le mettre en évidence. Nous l’aidons à déplacer le bateau et il nous obtient deux entrées au musée maritime – un petit musée sympathique, qui retrace les liens de Hobart et de la Tasmanie avec la mer : exploration, transport de déportés, chasse baleinière, commerce de bois, de pommes et d’autres. Tout y est exposé avec nombre de reliques d’une histoire souvent épique et parfois sombre.

Notre Sydney-Hobart, mais pas en course

Notre Sydney-Hobart, mais pas en course

Ce qui est drôle avec la Tasmanie, c’est qu’après une trentaine d’heures dans le Détroit de Bass cap au sud-ouest, on l’atteint sans vraiment l’atteindre. Eh oui, tout dépend si on parle de l’île elle-même ou de l’état. Vous ne le réalisez peut-être pas vraiment, mais l’Australie est un état fédéral. Aussi, lorsque Fleur de Sel termine cette petite traversée par un temps un peu grisâtre, et lorsque nous atteignons le petit archipel des îles Kent, nous voici maintenant dans l’état de Tasmanie, alors que nous sommes encore à 85 milles de la grande île elle-même. A contrario, nous sommes à seulement 50 milles du Wilsons Promontory (dans le Victoria), la pointe la plus sud du continent. Bref, nous sommes en plein milieu du Détroit de Bass. Ce bras de mer, finalement relativement large (une grosse centaine de milles) a douloureusement bâti sa réputation depuis sa découverte en 1798 par Matthew Flinders et George Bass. Dans ces parages, il est particulièrement important de respecter la mer, celle-ci se chargeant sinon de vous rappeler à l’ordre, par le biais de courants et de vents pour le moins brutaux. Il s’agit en quelque sort de la Manche de l’hémisphère sud, et les navires perdus dans les environs se comptent en centaines. Si nous venons nous aventurer ici, c’est que nous espérons en profiter pour visiter les Iles Kent, si isolées que la plupart des Australiens ignorent même leur existence !

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