Catégorie : Journal

Course contre la montre vers l’ouest

Course contre la montre vers l’ouest

C’est sans anicroche que nous avons franchi le Great Australian Bight, cette immense golfe ouvert au sud dont nous vous parlions la fois passée. Mais pour autant, il nous a fallu bien jouer avec la météo : la saison ayant avancé, il nous était désormais impossible de bénéficier d’un bel anticyclone à déplacement lent pour nous procurer des vents portant tout au long de la traversée. Pas le choix, nous devions prendre un front à un moment ou un autre, l’essentiel était qu’il soit maniable, et de n’en prendre qu’un seul ! Portés par des vents de sud-est à est, nous avons donc d’abord vogué vers le sud-ouest, jusqu’à atteindre 34°S environ. Le vent ayant continué sa rotation au nord-est, nous avons ensuite empanné pour poursuivre plein ouest, car c’est à cette hauteur que nous souhaitions passer dans la partie la moins musclée du front à venir. Plus au sud, nous aurions été plus proches de la dépression, avec davantage de vents d’ouest. Plus au nord, nous aurions été plus proches du continent surchauffé, avec un risque accru d’orages violents. Nous croisons pendant ces premières journées de mer un pêcheur puis un cargo, et la navigation est très plaisante, sous un beau soleil.

Changement de rythme : accélération !

Changement de rythme : accélération !

Enfin, après une semaine à la vitesse d’un escargot, nous remettions les voiles. A ce rythme-là, nous n’allions pas progresser bien vite. Et pourtant, maintenant que nous avions quitté la Tasmanie, il nous fallait au contraire changer de rythme pour accélérer ! C’est ce que fit Fleur de Sel, dès que nous nous sommes dégagés de la baie de Portland, en passant les superbes Lawrence Rocks entourés de nuées d’oiseaux (et tapissés du guano qui accompagne inévitablement les volatiles…) Doublant les caps les uns après les autres, nous avons ensuite tracé au portant un peu au large de l’extrême côte sud de l’Australie Méridionale (eh oui, après notre bref passage dans le Victoria, nous voici maintenant dans un nouvel état). Nous avons rythmé nos empannages pour la mi-journée et le milieu de nuit, nous rapprochant de la côte en première partie de journée, et nous en éloignant en seconde partie, histoire de profiter alternativement des brises de terre et de mer avec un angle optimal. Le long des côtes, comme toujours, on croise quelques pêcheurs au gros (ou au plus petit), quelques casiers aussi, dont un qui vient se prendre dans la dérive arrière. Heureusement, l’hélice de Fleur de Sel est bien protégée et vu la forme de la coque, ça se dégage sans encombre en relevant la dérive. Enfin, après 48 heures, et comme prévu, le vent nous abandonne quelques heures juste au moment où nous approchons de Kangaroo Island.

Changement de rythme : au ralenti…

Changement de rythme : au ralenti…

Le détroit de Bass nous a donné un aperçu de ce qu’il pouvait faire, en générant une mer courte et hachée, que nous prenions heureusement de l’arrière. Mais rien de bien méchant, juste de quoi nous conforter dans l’idée que nous avions eu raison de le traverser une seconde fois dans des conditions optimales. Le vent a ensuite molli, un peu tôt d’ailleurs, et sur les coups de 8 heures, nous nous présentions devant Port Fairy. Le chenal menant à ce joli petit port est étroit mais agréable, et fort heureusement la houle n’était pas de la partie pour passer entre les brise-lames. Accueillie par le harbourmaster, Fleur de Sel est vite amarrée le long du quai sur la rive ouest, et après un bon dessalage du bateau et un bon brunch, nous pouvons nous reposer. La météo va désormais nous imposer de progresser lentement pendant près d’une semaine : de manière inhabituelle, un cyclone du nord-ouest de l’Australie (Stan) a réussi à traverser le continent et évolue, de manière affaiblie, en Australie Méridionale. Inutile de se battre contre les vents contraires, nous allons relâcher successivement à Port Fairy et à Portland et prendre notre mal en patience. Du large, la côte du Victoria occidental nous fait un peu penser à la côte vendéenne, basse et sablonneuse, si ce n’est que les Britanniques ont planté au XIX° siècle des Norfolk Island Pines maintenant majestueux.

Loin des yeux, mais pas du cœur

Loin des yeux, mais pas du cœur


Plus encore que les autres jours, nous nous sentons aujourd’hui plus Européens et Belges que jamais. Tout comme les attentats de Paris ou d’ailleurs, ceux de Bruxelles nous révulsent, mais peut-être qu’ils nous attristent plus encore tant nous y avons de bons souvenirs. Secrètement nous espérons que Bruxelles restera à l’avenir aussi agréable, belle et joyeuse qu’elle l’a toujours été, même si notre raison nous dit qu’inévitablement rien ne sera plus comme avant. Amis Belges, Bruxellois, Flamands, Wallons, Européens, même si nous sommes loin, nous nous unissons avec vous par la pensée et en prière, et nous souhaitons à tous beaucoup de courage pour surmonter ces difficiles épreuves. Surtout, que Bruxelles garde l’âme qui est la sienne, ce sera notre victoire à tous.

La tournée des gouverneurs (et autres acolytes) [2]

La tournée des gouverneurs (et autres acolytes) [2]

Au petit jour, Fleur de Sel double le Cape Sorell, du nom du troisième lieutenant-gouverneur de Tasmanie et successeur de Davey. S’ouvrent alors devant nous les portes de l’enfer ! Hells Gates est le nom de l’étroit chenal, large de moins de 100m, qui donne accès au Macquarie Harbour. Nous avons déjà rencontrée plusieurs fois le nom de ce gouverneur de la Nouvelle-Galles-du-Sud, et si on le trouve maintenant en Tasmanie, c’est parce qu’il avait autorité sur le lieutenant-gouverneur de Tasmanie. Le plan d’eau qui porte son nom est le second plus grand d’Australie après Port Philip et il n’a rien à voir ni avec Port Macquarie ni avec Lake Macquarie, tous deux en Nouvelle-Galles-du-Sud. Le courant contraire n’était pas trop fort, nous faisons notre chemin dans le chenal d’accès, mais nous constatons que la visibilité n’est pas bonne, et nous ne voyons donc pas le Mt Sorell qui domine la côte est de cette mer intérieure. Au fur et à mesure que nous progressons vers le sud, l’odeur de fumée s’intensifie, et c’est alors que nous apprenons l’ampleur des incendies qui ont frappé la Tasmanie. Nous venons mouiller sur la côte ouest, dans la Double Cove, entourés d’une belle forêt d’eucalyptus élancés. L’heure du repos a sonné et comme nous captons du réseau mobile pour la première fois depuis 15 jours, les siestes alternent avec les emails, d’autant qu’il nous faut organiser la logistique des colis que nous n’avons pas pu recevoir à Kettering.

La tournée des gouverneurs (et autres acolytes) [1]

La tournée des gouverneurs (et autres acolytes) [1]

La côte sud tasmanienne est longue d’une quarantaine de milles, orientée exactement est-ouest, et elle ne comporte aucun abri sérieux. Pire, des îles, îlots et récifs sont parsemés un peu au large, ce qui fait de cette région un lieu de passage certes spectaculaire mais dangereux. Nous avons donc bien choisi notre météo pour faire le “saut” de la côte est à la côte ouest, un jour avec peu de houle et avec du vent d’est, malheureusement un peu trop faible.

Dans le sud tasmanien pour les Fêtes

Dans le sud tasmanien pour les Fêtes

L’amarrage à Constitution Dock, en plein centre de Hobart, est plus bruyant que ce que nous pensions, entre le bruit de la route, celui des véhicules de nettoyage, celui des camions poubelles, celui des passants éméchés la nuit, et celui des préparatifs pour l’arrivée de la course Sydney-Hobart. Mais il est vrai que nous bénéficions d’une position centrale, qui va nous permettre de déambuler en ville à volonté et d’y faire des courses – nous ferons 4 ou 5 allers-retour chez “Woolies” (surnom de Woolworths, grande chaîne de supermarchés australiens), à chaque fois chargés comme des mules de provisions en tous genres. Avec de l’eau à volonté, nous pouvons faire plein de lessives, et il y a même des lave-linges à disposition dans les sanitaires, ce qui est parfait pour les grandes pièces. Au milieu de notre séjour, John, du musée maritime, vient nous demander si nous pouvons nous déplacer, car il doit, lui, mettre le bateau vainqueur de la course de 1947 à notre place pour le mettre en évidence. Nous l’aidons à déplacer le bateau et il nous obtient deux entrées au musée maritime – un petit musée sympathique, qui retrace les liens de Hobart et de la Tasmanie avec la mer : exploration, transport de déportés, chasse baleinière, commerce de bois, de pommes et d’autres. Tout y est exposé avec nombre de reliques d’une histoire souvent épique et parfois sombre.

Notre Sydney-Hobart, mais pas en course

Notre Sydney-Hobart, mais pas en course

Ce qui est drôle avec la Tasmanie, c’est qu’après une trentaine d’heures dans le Détroit de Bass cap au sud-ouest, on l’atteint sans vraiment l’atteindre. Eh oui, tout dépend si on parle de l’île elle-même ou de l’état. Vous ne le réalisez peut-être pas vraiment, mais l’Australie est un état fédéral. Aussi, lorsque Fleur de Sel termine cette petite traversée par un temps un peu grisâtre, et lorsque nous atteignons le petit archipel des îles Kent, nous voici maintenant dans l’état de Tasmanie, alors que nous sommes encore à 85 milles de la grande île elle-même. A contrario, nous sommes à seulement 50 milles du Wilsons Promontory (dans le Victoria), la pointe la plus sud du continent. Bref, nous sommes en plein milieu du Détroit de Bass. Ce bras de mer, finalement relativement large (une grosse centaine de milles) a douloureusement bâti sa réputation depuis sa découverte en 1798 par Matthew Flinders et George Bass. Dans ces parages, il est particulièrement important de respecter la mer, celle-ci se chargeant sinon de vous rappeler à l’ordre, par le biais de courants et de vents pour le moins brutaux. Il s’agit en quelque sort de la Manche de l’hémisphère sud, et les navires perdus dans les environs se comptent en centaines. Si nous venons nous aventurer ici, c’est que nous espérons en profiter pour visiter les Iles Kent, si isolées que la plupart des Australiens ignorent même leur existence !

Côte est, suite et fin

Côte est, suite et fin

Il y aurait de nombreux arrêts à faire sur la côte du New South Wales (NSW), et la portion au sud de Sydney, même si elle est plus exposée, mériterait son lot d’attention. Cependant, il faudrait du temps pour ce faire, en particulier car la majorité des abris possibles sont derrière une barre à l’estuaire d’une rivière, et qu’après avoir réussi à y rentrer il faut encore réussir à en sortir (ce qui peut demander des jours, voire des semaines d’attente). Pour nous, plutôt que d’être une destination, ce tronçon de côte sera le chemin vers la suite, pris que nous sommes par les impératifs saisonniers. En quittant la région de Sydney, nous ne savons pas encore en détail où nous ferons une pause. Nous pensons éventuellement nous arrêter dans la grande Jervis Bay (où la Royal Australian Navy a une base), mais assez vite la météo nous incite à pousser un peu plus loin.

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