Thème : Volcan

Açores encore

Açores encore

La belle Igreja da Misericórdia vue du haut du mât pendant le contrôle du gréement

Fleur de Sel a tellement bien avancé depuis que nous nous sommes dégagés du dévent de Pico que nous décidons d’aller le plus loin possible. Plutôt que de nous contenter de l’île de São Miguel, nous visons Santa Maria, que nous atteignons sans problème avant la nuit, au terme d’un parcours de plus de 180 milles effectué en 29 heures. Bien nous en prend. Il est vrai qu’initialement nous découvrons une île moins haute et moins spectaculaire que ses consœurs, mais elle dégage une atmosphère quelque peu différente. Est-ce parce qu’elle semble plus plate, plus aride, plus ensoleillée ?

Géométrie colorée dans le triangle des Açores

Géométrie colorée dans le triangle des Açores

Magnifique Ponta dos Capelinhos, où l'on distingue bien le "rajout" volcanique récent et l'ancien phare.

C’est à une belle nuit de navigation que nous avons droit pour rallier Faial au départ de Flores. Une nuit où l’on doit serrer le vent de près, puisque le vent de sud choisit d’y ajouter une composante est, mais comme il ne souffle pas trop fort et que la mer est calme, c’est presque une partie de plaisir. Lorsque les oscillations du vent le permettent, on grappille un peu au vent et lorsque le vent refuse à nouveau, nous suivons la rotation pour ne pas perdre en vitesse. Durant toute la nuit, nous réussissons à tenir tête à nos amis hollandais de Kairos et de Schorpioen, dont l’AIS nous révèle la position quelques milles sur notre tribord arrière (tandis que eux ne savent pas que nous sommes là !) Au lever du jour, nous subissons le passage d’une petite ligne de grains inattendue mais relativement inoffensive, et nous commençons ensuite notre approche sur l’île de Faial. Tout en sachant qu’en laissant porter nous devrons par la suite nous battre contre le vent le courant, nous décidons néanmoins de ne pas faire du près serré et de passer au pied de la Ponta dos Capelinhos, la pointe ouest de l’île et site de l’éruption volcanique de 1957-58.

Montée vers Ascension

Montée vers Ascension

Du haut de Cross Hill, magnifique vue sur Georgetown à gauche et Clarence Bay à droite. Fleur de Sel est le voilier le plus à droite et encore plus à droite on devine le pipeline évoqué plus loin, ici amarré à poste.

Une nouvelle semaine de mer nous attend, pour parcourir les 700 milles séparant Sainte-Hélène d’Ascension. Les premiers jours, et surtout les premières nuits, sont un peu plus ventées et humides qu’anticipé, mais Fleur de Sel avance bien. Et dès le troisième jour, les conditions sont de nouveau tranquilles. Elle sont même si stables et agréables, qu’on en profite pour marcher sous gennaker pendant 36 heures sans interruption. Ce n’est qu’à la tombée de la seconde nuit qu’on décide d’affaler, les conditions devenant plus variables. Pendant ces belles nuits étoilées, on peut admirer la Grande Ourse qui s’élève de plus en plus sur l’horizon nord, tandis que la Croix du Sud se rapproche de plus en plus de l’horizon sur l’autre bord.

Réunion de superlatifs

Réunion de superlatifs

La traversée Maurice-Réunion n’a pas été des plus plaisantes. Même si le vent a tenu plus longtemps que prévu après le départ, il est toutefois tombé en soirée avec l’arrivée de la grisaille, et l’on a fait la plupart du trajet au moteur. Au matin, l’ex-île Bourbon n’était qu’un mince filet sombre coincé entre mer et nuages. La fenêtre météo était donc loin d’être idéale, mais impossible pour nous d’attendre la suivante, au moins une semaine plus tard. Une fois n’est pas coutume, nous avions rendez-vous, et nous tenions donc à être là à temps ! Finalement, Fleur de Sel a franchi les passes du Port des Galets avant 17 heures, le contraire nous aurait autrement valu de passer la nuit dehors dans une houle forcissante. Les formalités d’entrée ont été expédiées par les douaniers charmants. Certes, il a fallu faire désinfecter toutes nos chaussures et s’assurer que nous n’importions aucun produit carné ou laitier, en raison de l’épidémie de fièvre aphteuse qui sévit à Maurice, mais rien de bien méchant d’autant que nous avions été très bien informés, et donc nous étions préparés. Un vrai plaisir après les embrouillaminis mauriciens ! Après une soirée d’accueil haute en couleur (et en gastronomie créole) à bord de Ralph Rover, et en compagnie de l’équipage de Privateer, une bonne nuit de repos était nécessaire.

Sumbawa, Lombok et Bali

Sumbawa, Lombok et Bali

Après avoir laissé derrière Komodo et les îles environnantes, nous avons ensuite longé Sumbawa – la plus grande des îles indonésiennes que nous aurons abordées. De Sumbawa on peut retenir sa forme tarabiscotée, qui la coupe presque en deux, et nous ne visiterons d’ailleurs que dans la partie nord-est – “Bima”, d’après le nom de sa capitale, “Sumbawa” faisant référence à la partie sud-ouest chez les îliens. Par ailleurs, c’est dans cette région qu’on constate un changement progressif dans la végétation et la flore, qui, d’un caractère quelque peu australien, se muent progressivement en environnement eurasiatique (voir les lignes de Wallace, de Huxley, de Weber et de Lydekker). Et puis, au passage, nous visitons là notre dernière île véritablement rurale, encore que la densité de la population augmente alors que l’on progresse vers l’ouest. Enfin, sur notre itinéraire, c’est aussi le moment où nous entrons réellement dans la sphère à très forte dominante musulmane, après le foyer chrétien dans l’est de Flores et l’intéressant mélange chrétien-musulman alentour. Sumbawa avait même, un temps, eu la réputation d’être ouvertement islamiste, du moins dans les agglomérations. Peut-être pour cette raison, et peut-être parce que l’île recèle moins d’attractions évidentes, elle ne s’est jamais vraiment développée touristiquement.

Plongeons et dragons

Plongeons et dragons

En longeant la côte de Flores, on prend toute la mesure du danger que représenterait ici une navigation de nuit. Comme souvent sur les îles volcaniques, le littoral est le plus souvent très abrupt – c’est-à-dire qu’assez souvent le sondeur, qui porte toutefois jusqu’à 180m de profondeur, arrête de capter les fonds dans les minutes qui suivent la sortie du mouillage. Et pourtant, on trouve des DCP (dispositifs de concentration de poissons, en anglais FAD, fish aggregating devices) mouillés à parfois des milles au large ! Ils peuvent prendre diverses formes, allant du simple baril, à la simili-cahute flottante, ou encore au beau flotteur surmonté d’une feuille de palmier ou d’une perche de bambou. Une chose est certaine, de nuit ce serait un obstacle sérieux. Il y a des zones où il y en a partout. Ailleurs il y en a moins, sans doute parce que les fonds atteignent des milliers de mètres, mais comme la bathymétrie est particulièrement imprécise sur les cartes du coin, difficile de savoir.

Un autre monde

Un autre monde

Nous sommes entrés dans les eaux indonésiennes à la nuit tombante, juste après avoir passé le talus continental australien, et une trentaine de milles plus loin nous devions passer au niveau de la fosse qui sépare Timor de l’Australie. C’est là que nous avons vécu notre première expérience indonésienne : nous avons eu l’impression de nous faire entourer par une horde de bikers aquatiques ! A tenter de percer la noirceur de la nuit, j’ai fini par discerner aux jumelles quelques silhouettes d’embarcations, une douzaine peut-être, et à m’apercevoir que la plupart étaient équipées d’une lampe flash bleue, rouge ou blanche – feux que j’avais bien du mal à voir à l’oeil nu, le bruit signalant bien mieux la présence de ces pêcheurs. Quelques coups de lampe frontale pour leur signaler que je les ai vus, auxquels ils me répondent avec leur lampe, et le croisement se fait sans heurts. Dans le restant de la nuit, la veille fut nettement plus assidue qu’auparavant (et plus auditive !), mais les seuls autres pêcheurs croisés étaient, eux, très éclairés. Sans doute s’agissait-il de “squid boats”, des pêcheurs de calamars, qui sont plutôt des arbres de Noël ambulants !

Le nord en boucle

Le nord en boucle

Pendant deux jours le vent s’est évanoui, une situation d’autant plus étrange que depuis que nous sommes au Vanuatu les alizés n’ont cessé de souffler sans relâche ou presque. Revoyant notre programme, nous avons décidé d’en profiter pour gagner à l’est, au moteur certes, mais c’est toujours cela de gagné. Quittant Santo, notre première escale fut l’île-volcan d’Ambae, qui a surgi de la brume de chaleur à une dizaine de milles seulement. A noter que vous ne trouverez Ambae que sur les cartes récentes (et donc sur aucune carte marine), où c’est le nom d’Aoba qui est mentionné systématiquement (de même que dans les instructions nautiques américaines pourtant récentes). Nous mouillons à la pointe est, dans une petite baie de sable noir et nous débarquons presque aussitôt après avoir mouillé, car nous ne resterons pas longtemps. Après un atterrissage humide en annexe, nous rencontrons James, qui habite là avec sa famille et celle de son frère. Il nous offre des papayes et des tomates (délicieuses), et nous donne bien-sûr l’autorisation de nous baigner, ce que nous nous empresserons de faire avant la fin de l’après-midi.

Sur la route de Mallicolo et de Santo

Sur la route de Mallicolo et de Santo

Malheureusement, nous n’avons pas vu grand-chose de l’île de Paama. A notre arrivée, il restait moins d’une heure avant la tombée de la nuit, et nous avons opté pour le premier mouillage, le plus au sud de l’île, en face de l’école du village de Lehili. L’île s’estompait de temps à autre sous un nuage chargé de crachin, et nous espérions que le récif détaché à notre sud-ouest protègerait quelque peu le mouillage. Las, la nuit fut animée par le clapot contournant la pointe sud et par les rafales nombreuses au passage de chaque grain. Au matin, le temps grisâtre et humide ne se prêtait guère à une exploration à terre. Et surtout, les prévisions nous proposaient encore une journée de navigation viable avant une nouvelle détérioration accompagnée d’une rotation du vent le lendemain. C’est donc sans aller à terre que nous avons levé l’ancre, en longeant la côte de l’île vers le nord en guise de compensation. Nous avons au passage remarqué que le mouillage en face du village de Liro aurait peut-être été plus protégé du clapot contournant l’île, mais qu’a contrario une petite houle de sud-ouest y entrait. Difficile de savoir si nous aurions mieux dormi là ou pas. Mais déjà Paama s’évanouissait dans une nouvelle averse.

Province Shefa

Province Shefa

En arrivant à Efaté la mer est toujours bien haute, le vent ayant soufflé à 25 nœuds toute la nuit. Nous avons du réduire la voilure pour freiner Fleur de Sel et éviter une arrivée trop matinale. Et puis, passée Pango Point, l’eau devient plate, et subitement le temps se met au grand beau. C’est donc sous un soleil radieux que nous parcourons les derniers milles vers Port Vila. Le bord de mer n’est alors qu’une succession de luxueuses villas et de quelques resorts, exposées au nord-ouest sur le bord de mer, donc face au soleil couchant de l’hémisphère sud. Nous prenons alors un corps-mort juste derrière Iririki Island, chez Yachting World, la base d’accueil des yachties.

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