De Humahuaca à San Pedro de Atacama
Pendant que Fleur de Sel se repose – du moins on l’espère – son équipage est en “vacances”, loin de là. Vu le temps imparti, nous avons décidé de ne pas pousser jusqu’au Pérou, ce qui aurait imposé de voyager sans relâche. Le Lac Titicaca et Macchu Pichu seront pour une autre fois, et nous nous sommes contentés du sud de la Bolivie, dont voici le carnet de voyage.
De Valdivia à Humahuaca
Photos & panoramas de Terre de Feu
Avenue des glaciers
La Terre de Feu est une île un peu particulière, et peut-être est-ce cela qui contribue à son côté mythique. La majeure partie de l’île s’adosse à l’Atlantique, et est constituée de plaines sablonneuses dans le nord, et couverte de steppes, tandis que le relief se lève un peu vers le sud, par exemple vers la Péninsule Mitre que nous avons passée en venant du Détroit de Le Maire. Mais à l’ouest d’Ushuaia prend racine une péninsule au littoral tarabiscoté, qui va jusqu’au Pacifique, et sur laquelle s’élève la Cordillère Darwin.
Ushuaia et Puerto Williams : derniers préparatifs
Ushuaia est une ville mythique, dont à peu près tout le monde connait le nom, non seulement car c’est la plus australe de la planète, mais encore parce que sa situation dans le Canal Beagle en fait l’escale ultime. A presque 55° sud, cela équivaudrait chez nous à Copenhague ou Glasgow. Mais le Gulf Stream n’existe pas dans l’hémisphère sud, et mis à part le « cône austral » de l’Amérique, aucun continent habité n’ose pointer son nez aussi bas. Imaginez d’ailleurs que dans le Pacifique Nord, ce sont les Aléoutiennes et le Kamchatka qui se situent à ces latitudes, et cela tempère aussitôt l’impression que nous nous situons à des latitudes tempérées ! Pourtant, il semble exister un petit microclimat dans le Beagle, qui protège à la fois des vents les plus forts et des pluies torrentielles qui existent à l’ouest de la Terre de Feu.
36 chandelles pour 36 bougies
8 jours, c’est le temps que nous avons passé à l’Ile des Etats, au bout du monde comme l’a si bien dit Jules Verne. Nous avons profité de la nature vierge qui nous entoure, alors que Fleur de Sel est sagement amarrée par son mouillage et 3 lignes à terre au fond de Puerto Hoppner. De temps en temps, le temps se gâte et le passage d’une dépression fait monter le vent. Quelques rafales font giter le bateau, mais rien de bien méchant, et le lendemain il fait de nouveau beau. Le cycle se répète quelques fois, mais la fenêtre météo n’est jamais bonne pour traverser le détroit de Le Maire, et nous attendons donc, en compagnie d’Intrepid. Oh, cela ne nous déplait pas, car nous en profitons pour travailler sur le bateau, pour aller marcher alentour, ou pour nous initier au Coréen en compagnie de Yoon.
700 milles en 7 jours
Il y a un peu de nervosité dans l’air en quittant la Caleta Horno. Un peu de nervosité et d’excitation. En effet, nous entamons sans doute l’un des tronçons les plus risqués de notre tour d’Amérique du Sud. Le climat y est rude et musclé, les vents d’ouest soufflant souvent avec violence. Il faut ajouter à cela la marée et le courant, phénomènes bien connus, mais qui compliquent un peu la navigation, le marnage atteignant plus de 12 mètres du côté de Santa Cruz et Rio Gallegos, et le courant plus de 8 nœuds à l’entrée du Détroit de Magellan. Mais tout cela n’en serait pas si stressant s’il n’y avait autre chose : l’absence quasi-totale de bon abri tout au long de cette côte déjà inhospitalière. Sur les 700 milles qui séparent la Caleta Horno du Détroit de Le Maire, il n’y a que très peu d’abris, et ce sont de mauvais abris. Dans l’entrée de Puerto Deseado, le moins pire d’entre eux, il y a jusqu’à 6 nœuds de courant. Le mouillage côté ville est exposé aux tempêtes d’ouest et sud-ouest, et le débarquement impose de faire confiance au moteur hors-bord, sans lequel l’annexe et ses infortunés occupants se retrouveraient incapables de rejoindre le rivage ou le bateau. En cas de tempête, donc, nous aurions le choix entre ce type de réjouissance ou un coup de tabac en mer, et c’est pourquoi nous redoutons ce tronçon avec tout le respect qui se doit. Nervosité, donc…
Noël à la Caleta Horno
Au matin du 18 décembre, Fleur de Sel franchit la grande passe de la Caleta Valdés sous un soleil toujours radieux, mais surtout avec un vent beaucoup plus tranquille, et de secteur nord, comme annoncé, ce qui devrait nous garantir une bonne navigation au portant. Nous saluons encore une fois les manchots de Magellan, les lions de mer, les otaries et les guanacos. Mais voilà, après à peine 5 milles, voici le vent qui tombe et qui nous revient du sud… La météo est au mieux imprécise et souvent incertaine dans ces parages, et il va falloir s’y habituer. Puis, voilà le vent qui revient du nord-ouest en arrivant à l’ouvert du Golfo Nuevo, tant mieux.
Un petit tour et puis s’en va
Une trentaine d’heures après avoir quitté Mar del Plata, nous franchissons une ligne imaginaire mais combien symbolique : le quarantième parallèle sud. Nous naviguons dans des contrées hostiles, et cette fois c’est pour de vrai. Les albatros commencent d’ailleurs à devenir plus nombreux. Pas les petits que l’on avait vus déjà le long du sud brésilien. Maintenant nous en voyons qui font une taille moyenne, peut-être 1m50 d’envergure, mais c’est difficile à estimer. La navigation est sans histoire, le vent est portant et modéré, le soleil brille, nous sommes heureux. Si seulement il n’y avait pas cette grande houle du sud qui retourne l’estomac d’Heidi, et ce satané courant qui nous fait perdre un nœud, parfois deux. Ces deux invités ne tardent heureusement pas à s’éclipser, et tout va bien à bord.