Catégorie : Amérique

Avenue des glaciers

Avenue des glaciers

La Terre de Feu est une île un peu particulière, et peut-être est-ce cela qui contribue à son côté mythique. La majeure partie de l’île s’adosse à l’Atlantique, et est constituée de plaines sablonneuses dans le nord, et couverte de steppes, tandis que le relief se lève un peu vers le sud, par exemple vers la Péninsule Mitre que nous avons passée en venant du Détroit de Le Maire. Mais à l’ouest d’Ushuaia prend racine une péninsule au littoral tarabiscoté, qui va jusqu’au Pacifique, et sur laquelle s’élève la Cordillère Darwin.

Ushuaia et Puerto Williams : derniers préparatifs

Ushuaia et Puerto Williams : derniers préparatifs

Ushuaia est une ville mythique, dont à peu près tout le monde connait le nom, non seulement car c’est la plus australe de la planète, mais encore parce que sa situation dans le Canal Beagle en fait l’escale ultime. A presque 55° sud, cela équivaudrait chez nous à Copenhague ou Glasgow. Mais le Gulf Stream n’existe pas dans l’hémisphère sud, et mis à part le « cône austral » de l’Amérique, aucun continent habité n’ose pointer son nez aussi bas. Imaginez d’ailleurs que dans le Pacifique Nord, ce sont les Aléoutiennes et le Kamchatka qui se situent à ces latitudes, et cela tempère aussitôt l’impression que nous nous situons à des latitudes tempérées ! Pourtant, il semble exister un petit microclimat dans le Beagle, qui protège à la fois des vents les plus forts et des pluies torrentielles qui existent à l’ouest de la Terre de Feu.

36 chandelles pour 36 bougies

36 chandelles pour 36 bougies

Merci Yoon pour cette photo épique de Fleur de Sel en plein détroit de Lemaire

8 jours, c’est le temps que nous avons passé à l’Ile des Etats, au bout du monde comme l’a si bien dit Jules Verne. Nous avons profité de la nature vierge qui nous entoure, alors que Fleur de Sel est sagement amarrée par son mouillage et 3 lignes à terre au fond de Puerto Hoppner. De temps en temps, le temps se gâte et le passage d’une dépression fait monter le vent. Quelques rafales font giter le bateau, mais rien de bien méchant, et le lendemain il fait de nouveau beau. Le cycle se répète quelques fois, mais la fenêtre météo n’est jamais bonne pour traverser le détroit de Le Maire, et nous attendons donc, en compagnie d’Intrepid. Oh, cela ne nous déplait pas, car nous en profitons pour travailler sur le bateau, pour aller marcher alentour, ou pour nous initier au Coréen en compagnie de Yoon.

700 milles en 7 jours

700 milles en 7 jours

Il y a un peu de nervosité dans l’air en quittant la Caleta Horno. Un peu de nervosité et d’excitation. En effet, nous entamons sans doute l’un des tronçons les plus risqués de notre tour d’Amérique du Sud. Le climat y est rude et musclé, les vents d’ouest soufflant souvent avec violence. Il faut ajouter à cela la marée et le courant, phénomènes bien connus, mais qui compliquent un peu la navigation, le marnage atteignant plus de 12 mètres du côté de Santa Cruz et Rio Gallegos, et le courant plus de 8 nœuds à l’entrée du Détroit de Magellan. Mais tout cela n’en serait pas si stressant s’il n’y avait autre chose : l’absence quasi-totale de bon abri tout au long de cette côte déjà inhospitalière. Sur les 700 milles qui séparent la Caleta Horno du Détroit de Le Maire, il n’y a que très peu d’abris, et ce sont de mauvais abris. Dans l’entrée de Puerto Deseado, le moins pire d’entre eux, il y a jusqu’à 6 nœuds de courant. Le mouillage côté ville est exposé aux tempêtes d’ouest et sud-ouest, et le débarquement impose de faire confiance au moteur hors-bord, sans lequel l’annexe et ses infortunés occupants se retrouveraient incapables de rejoindre le rivage ou le bateau. En cas de tempête, donc, nous aurions le choix entre ce type de réjouissance ou un coup de tabac en mer, et c’est pourquoi nous redoutons ce tronçon avec tout le respect qui se doit. Nervosité, donc…

Noël à la Caleta Horno

Noël à la Caleta Horno

Au matin du 18 décembre, Fleur de Sel franchit la grande passe de la Caleta Valdés sous un soleil toujours radieux, mais surtout avec un vent beaucoup plus tranquille, et de secteur nord, comme annoncé, ce qui devrait nous garantir une bonne navigation au portant. Nous saluons encore une fois les manchots de Magellan, les lions de mer, les otaries et les guanacos. Mais voilà, après à peine 5 milles, voici le vent qui tombe et qui nous revient du sud… La météo est au mieux imprécise et souvent incertaine dans ces parages, et il va falloir s’y habituer. Puis, voilà le vent qui revient du nord-ouest en arrivant à l’ouvert du Golfo Nuevo, tant mieux.

Un petit tour et puis s’en va

Un petit tour et puis s’en va

Une trentaine d’heures après avoir quitté Mar del Plata, nous franchissons une ligne imaginaire mais combien symbolique : le quarantième parallèle sud. Nous naviguons dans des contrées hostiles, et cette fois c’est pour de vrai. Les albatros commencent d’ailleurs à devenir plus nombreux. Pas les petits que l’on avait vus déjà le long du sud brésilien. Maintenant nous en voyons qui font une taille moyenne, peut-être 1m50 d’envergure, mais c’est difficile à estimer. La navigation est sans histoire, le vent est portant et modéré, le soleil brille, nous sommes heureux. Si seulement il n’y avait pas cette grande houle du sud qui retourne l’estomac d’Heidi, et ce satané courant qui nous fait perdre un nœud, parfois deux. Ces deux invités ne tardent heureusement pas à s’éclipser, et tout va bien à bord.

Approche et camp de base

Approche et camp de base

Faisons une analogie avec l’alpinisme (auquel je ne connais pas grand-chose !). En quittant Buenos Aires le vendredi soir, nous avons quitté la plaine, pour réaliser notre marche d’approche. Celle-ci nous mènera à notre camp de base, au terme d’un premier parcours d’acclimatation. Il nous a d’abord fallu redescendre le Rio de la Plata, aux eaux toujours limoneuses (on ne s’y habitue pas), et surtout clapoteuses (on ne s’y habitue pas non plus !).

Le voyage d’Iguazú

Le voyage d’Iguazú

Les chutes d'Iguaçu, côté brésilien

Ca aurait sans doute pu nous faire peur, mais une fois assis, au contraire, cela nous parait tout confort. 18 heures de trajet en bus, c’est le temps qu’il nous faudra pour rallier Puerto Iguazú au départ de Buenos Aires. C’est long, certes, mais c’est le grand luxe : sièges vraiment inclinables, repas servis à bord, films projetés. Bref, c’est évidemment un peu fatigués que nous arrivons dans l’extrême nord-est de l’Argentine, mais étonnement peu tout de même. Après avoir pris possession de l’appart-hôtel qui nous accueillera quelques nuits, les premières loin de Fleur de Sel depuis longtemps, nous voici déjà à pied d’œuvre, direction las cataratas. Car c’est bien elles que viennent voir tous les voyageurs que l’on trouve dans cette localité un peu far-west.

Sainte Trinité et Port de Notre-Dame du Bon Vent

Sainte Trinité et Port de Notre-Dame du Bon Vent

La Plaza de Mayo, centre névralgique de l'immense cité portuaire

En quelques mots, Buenos Aires, c’est une agglomération de 13 ou 14 millions d’habitants dans un pays qui en compte 40. Autant dire qu’il s’agit d’un véritable pays dans le pays. Inutile de préciser que le nom ne fait pas référence aux “bons airs” du monoxyde de carbone rejeté par les millions de voitures, bus et camions chaque jour dans la capitale argentine. A l’origine nommée Santísima Trinidad y Puerto de Nuestra Señora del Buen Ayre, ce qui signifie “Sainte Trinité et Port de Notre-Dame du Bon Vent”, le nom a été raccourci, comme souvent en Amérique Latine.

Avis de tampons !

Avis de tampons !

Ambiance très rétro à Colonia - ville très charmante !

Un voyage au long cours est parfois admirable, mais il l’est souvent pour de mauvaises raisons. De nombreuses personnes restent ainsi songeuses à l’énoncé de notre provenance, plus encore en apprenant notre destination, mais le sujet de leur pensée nous est souvent dévoilé quasi-immédiatement : « Et vous avez rencontré beaucoup de tempêtes ? » Nous préférons dire la vérité plutôt que de les laisser persévérer dans leur crainte. Eh non, nous ne rencontrons pas beaucoup de tempêtes, du moins pour autant que l’on puisse les éviter, et quand c’est possible, nous essayons alors d’être à l’abri. C’est exactement ce qui est arrivé à Piriapolis, où un coup de vent prévu s’est finalement avéré être une petite tempête, malmenant Fleur de Sel plusieurs heures durant avec un vent soutenu de 50 nœuds. Elle était pourtant bien amarrée derrière les jetées du port, dont les eaux étaient transformées en chaudron, et malgré la protection de 2 gros voiliers à notre vent, le bateau se faisait fouetter par les paquets de mer provenant des vagues ayant explosé sur le brise-lame à 200m de là ! Cela dit, après deux inconfortables journées, le beau temps est revenu, et Heidi aussi. Le vent s’était tassé pour retrouver des vitesses plus habituelles, celles que nous rencontrons dans l’immense majorité des cas, et nous étions alors prêts pour poursuivre notre voyage sur le Rio de la Plata. Mais ce qui nous attendait alors n’était plus un avis de tempête, mais bien un avis de tampons !