Tu ne t’inquiètes pas, tu fais du tourisme à Bahia…
De retour d’une petite semaine à Salvador de Bahia, j’ai le privilège d’être la première invitée à écrire sur le journal de Fleur de Sel pour vous faire partager nos souvenirs et impressions. Pas de censure puisque Nicolas et Heidi sont repartis vers la baie de Camamu et l’archipel des Abrolhos. Encore une occasion de se précipiter sur Google Earth pour naviguer, je dirais même surfer, à notre manière.
Couleurs
C’est d’abord le vert, celui du fond du drapeau brésilien que vous connaissez tous mais surtout de la mangrove de la baie et de ses Rios, composée ici de palétuviers qui poussent avec les racines dans l’eau salée. Racines d’une forme surprenante, on dirait un arbre à l’envers, qu’on découvre à marée basse.
C’est aussi l’or qui décore et illumine toutes les églises baroques construites à l’époque coloniale par les Jésuites, les Franciscains ou les Carmélites. Pas étonnant que de telles richesses aient contribué à l’apparition de la Réforme.
A Salvador de Bahia, on chercherait en vain 2 personnes qui auraient la même couleur de peau: le processus de métissage est à l’oeuvre depuis cinq siècles mêlant les sangs d’origines indienne, européenne et africaine. Sans oublier une immigration japonaise…
Le plus frappant ce sont cependant surtout les vêtements bariolés, de couleurs vives et même criardes mais qui ensemble donnent une gaieté à la ville entière même si les bâtiments qui manquent d’entretien sont souvent noircis par l’humidité et la chaleur ambiante.
Dans la rubrique couleurs vives, il y a aussi les « fitas », rubans distribués à l’église Nosso Senhor do Bonfim, haut lieu de dévotion de Salvador, accrochés aux grilles qui entourent l’église du même nom ou à ses portes et qui s’agitent au moindre souffle d’air; à moins qu’ils soient portés au poignet: le jour où, usé, le ruban tombe de lui même, alors un vœu s’accomplit… Etrange mélange de croyances superstitieuses et de foi.
Couleurs variées et plus douces des sorbets de la fameuse Sorveteria da Ribeira qui outre les parfums traditionnels pour nous, propose acerola, pomme de cajou, açai, sapote, umbu et bien sûr l’omniprésente noix de coco.
Nourriture
A boire: à chaque coin de rue des vendeurs ambulants proposent dans un petit kiosque des noix de coco. Ouvertes devant vous grâce à une machette (Nicolas voulait s’en procurer une afin de libérer son gouvernail d’algues éventuelles), elles sont aussitôt garnies d’une paille. Il y a la technique qui consiste à la décapiter d’un seul coup et l’autre manière où le vendeur attaque en biais à trois reprises pour enlever un capuchon… Je ne sais pas laquelle est la plus impressionnante.
Localement, la boisson alcoolisée favorite est la Caïpirinha.
Et à manger:
La cuisine est à l’image de la population et bénéficie d’une variété incroyable de produits. Nous l’avons testée au buffet de l’école hôtelière de Salvador dans le quartier du Pelourinho, une bonne adresse à retenir.
Nous avons aussi découvert la Churasqueria Boi Preto (le boeuf noir), une grande spécialité locale. Une fois assis à table, le défilé des serveurs commence: chacun apporte et sert à un rythme soutenu une viande grillée enfilée sur une longue brochette. Heureusement tout est prévu et pour demander une pause dans le service, il suffit de retourner le disque en carton fourni à chaque convive du côté rouge. Pour reprendre, on passe au vert!
Je vous donne juste la recette du Pudim de Coco (coco toujours!)
- 1 boîte de lait concentré sucré
- 1 boîte de lait non sucré
- 1 boîte de lait de coco (même quantité que le lait non sucré)
- 1 paquet de feuilles de gélatine (5 grandes feuilles ou 9 petites feuilles)
Faire ramollir les feuilles de gélatine dans de l’eau froide. Dans une casserole, chauffer les 3 laits (sucré, non sucré et coco). Hors du feu, ajouter les feuilles de gélatine égouttées en mélangeant bien. Verser dans un moule puis une fois le mélange refroidi, mettre au réfrigérateur quelques heures. Pour une consistance différente, on peut ajouter de la noix de coco râpée.
Vie à bord
Après deux jours à terre, nous avons embarqué à bord de Fleur de Sel. Traversée de l’immense Baie de Tous les Saints au vent arrière, mouillage derrière une petite île charmante, plongeons au réveil dans une eau à 26° (c’est l’hiver), remontée et en bénéficiant du fort courant du aux grands coefficients de marée du fleuve Paraguaçu, descente du fleuve en direction de l’île d’Itaparica…
Nous n’avons pas chômé. Je dois avouer qu’au retour vers Salvador, sous les grains et avec 25 noeuds de vent, Heidi et moi nous sommes lâchement abritées dans la cabine en laissant les hommes à la manoeuvre. Malgré les cheveux et leurs vêtements trempés, ils avaient l’air heureux.
Ce coup de vent et le retour au près nous ont permis de vérifier que le bateau est non seulement chaleureux et confortable mais aussi solide, sûr et extrêmement bien préparé. Même s’il ne remonte pas très bien dans le vent, ce qui nous a valu de longs bords de louvoyage au retour.
La présence de bois, les coussins et rideaux de couleurs vives rendent la cabine plus personnelle et gaie. A bord, électricité à gogo grâce aux panneaux solaires et à l’éolienne, eau douce, eau chaude, four grâce auquel Heidi nous a préparé en croisière du pain indien Naan, chauffage, bibliothèque bien fournie, équipement informatique (trois ordinateurs à bord quand même!) et de sécurité de premier ordre, une échelle de bain, une douche solaire. Bref, cinq étoiles. Pour une traversée plus longue que nos quatre jours passés à bord, il faudra évidemment veiller à ne pas gaspiller les précieuses ressources et en particulier l’eau douce.
Les choses ont bien changé : « de mon temps », on n’allumait qu’une petite loupiote car la batterie du moteur se déchargeait vite, la cuisine consistait en conserves réchauffées, purée Mousline et pâté Hénaff. On faisait la vaisselle à l’eau de mer et on se lavait au port. On restait des heures à la barre car il n’était pas question de pilote automatique ni de régulateur d’allure. Il fallait relever trois points au compas pour déterminer sa position. Sans parler du sextant. En cas de panne de GPS, il est bien sûr toujours indispensable de savoir revenir aux méthodes ancestrales.
C’est ainsi que nous réalisons vraiment concrètement qu’il ne s’agit pas d’un bateau de croisière qu’on occupe dans des conditions parfois spartiates seulement quelques jours ou semaines par an. C’est la maison de Heidi et Nicolas, ils l’aiment et y sont heureux. Et de notre côté, nous nous réjouissons de les voir aussi épanouis de réaliser ce projet dont la préparation leur a demandé tant de travail et d’efforts. Et nous admirons leur coordination et leur calme à la manoeuvre pour mouiller ou accoster dans des conditions pas toujours faciles et toujours différentes avec Heidi à la barre et Nicolas à l’avant, prêt à jeter l’ancre ou à lancer les aussières. Leur confiance l’un dans l’autre aussi. On dirait qu’ils ont toujours navigué ensemble.
Au bout d’une semaine, il est temps de débarquer et de nous rapprocher de l’aéroport car notre avion part tôt demain. En bons touristes, nous décidons de prendre dans le centre ville, un bus touristique qui longe la côte et les plages sur l’océan pour nous rendre à notre hôtel. Il nous y déposera après l’avoir vérifié auprès du caissier qui nous l’a confirmé. Les kilomètres se succèdent, la nuit tombe, la pluie aussi, et nous n’arrivons toujours pas. Nous redemandons, pressentons que l’employé ne sait pas lire et que le nom de l’hôtel lui est inconnu. C’est alors qu’une passagère s’adresse gentiment à nous dans un français approximatif et nous fait comprendre que l’arrêt est passé, qu’il va désormais nous falloir aller jusqu’à l’aéroport où nous prendrons en sens inverse un taxi. Et d’ajouter, philosophe, « tu ne t’inquiètes pas, tu fais du tourisme à Bahia »…