En terre de caractère
Avertissement à l’aimable lecteur : cet article est long, et pourtant il ne relate qu’une dizaine de jours de voyage. Mais au Vanuatu nous rencontrons une culture vraiment différente de celle à laquelle nous sommes habitués. Aussi, plutôt que de relater platement les quelques péripéties finalement ordinaires de nos escales, j’ai préféré évoquer un peu plus longuement l’histoire étrange et torturée de ces parages, et leurs particularités en plus de nos navigations et de nos rencontres. A ceux qui souhaitent un « executive summary », il pourrait être de la sorte : nous avons visité les îles de Tanna et d’Erromango, en nous arrêtant chaque fois dans un seul mouillage, rouleur, Port Resolution sur la première, et Dillon’s Bay sur la seconde. Ce fut l’occasion de nous rendre au volcan Yasur, et de découvrir des villages vivant vraiment traditionnellement. Malheureusement, la météo peu coopérative a chaque fois fait en sorte que notre visite ne soit pas trop longue et que chacune de ces îles conserve ses secrets. Pour ceux qui veulent en savoir plus, voici la version longue…
Seuls 35 milles séparent Aneityum de Tanna. Mais on se rappellera que la raison principale de notre départ du mouillage d’Anawamet est le roulis. Le vent souffle donc fort et il fait un temps à grains, avec un air bien humide. Le pont aussi, d’ailleurs, ne va pas tarder à être mouillé, aussi bien par les embruns que par les averses. Les lignes de traîne vont rester désespérément inertes, malgré les 6 nœuds de moyenne. Et une heure ou deux après le départ, on pourrait presque se croire loin au large, non seulement car la houle est bien formée et haute, mais aussi car Aneityum a disparu dans les nuées. Tanna, elle, ne se montrera que quelques heures plus tard, alors que nous sommes à moins de 10 milles, et nous n’aurons évidemment jamais aperçu la haute île de Futuna que nous laissons 30 milles dans l’est (à noter qu’il ne s’agit pas de l’île sœur de Wallis mais d’une autre île homonyme, cependant également peuplée de gens d’origine polynésienne).
Les mouillages abrités sont peu nombreux sur Tanna. Il n’y a qu’une baie un peu fermée, en fait, les autres étant des mouillages en rade. Et comme ce sont des alizés renforcés auxquels nous avons droit depuis une semaine, inutile d’espérer mouiller devant Lénakel, le centre administratif de l’île, un mouillage exécrable praticable par temps calme uniquement. Non, le seul refuge que nous puissions espérer a été découvert sur la côte au vent par Cook, et porte le nom du navire de son second voyage : Port Resolution. On ne peut y mouiller que si le vent est au sud de l’est, et il est prévu qu’il reste à l’ESE, ça semble donc faisable. Après avoir contourné les récifs à l’est de l’entrée, nous découvrons une baie spacieuse, malheureusement peu profonde à l’est, qui serait le côté le plus protégé, et l’on doit donc mouiller au milieu, à un endroit où la houle qui contourne la pointe se fait encore sentir. Nous finirons d’ailleurs par mettre une ancre arrière pour tenir le bateau face au nord, de façon à limiter le tenace roulis nocturne.
Un surprenant comité d’accueil occupe la baie : nous distinguons aux jumelles une douzaine de pirogues au moins, en train de pêcher. Nous faisons ainsi la connaissance de Johnson, qui parmi d’autres vient se présenter et nous souhaiter la bienvenue en français. C’est le chef du village, et nous lui demandons donc si nous pouvons mouiller là, autorisation bien-sûr accordée : les riverains de Port Resolution ont l’habitude de recevoir les voiliers, nombreux à venir y faire escale le temps de visiter le volcan Yasur, situé tout juste derrière la baie. Un voilier australien se trouve d’ailleurs déjà là lorsque nous arrivons et le surlendemain c’est un Néo-Zélandais qui fait son arrivée. Jeff, l’Australien solitaire, attire d’ailleurs notre attention sur les sources chaudes situées sur la rive occidentale de la baie. Nous allons donc y faire un tour en annexe, et en plusieurs endroits, au ras de l’eau, surgit effectivement de l’eau fumante et à l’odeur souffrée !
Nous constatons que nous avons bien fait de faire nos formalités à Aneityum, car les locaux découragent les yachties qui voudraient se rendre à Lénakel faire leur clearance, car les autorités veulent se rendre sur place sous peine d’amende. Il faut donc faire venir les officiers d’immigration, de douane et de quarantaine, un déplacement de 4 à 6 heures de piste aller-retour au travers de l’île, bien évidemment facturé. Comme ensuite la plupart des voyageurs arrivent à Port Resolution sans devise locale (le vatu), il leur faut à leur tour se rendre à Lénakel pour se rendre à l’unique banque de l’île. C’est qu’il faut payer les formalités, et que la visite de Yasur est aussi payante. Bref, pour la plupart d’entre eux, cela veut dire au moins deux journées d’occupations administratives, si ce n’est plus. En comparaison, nos formalités avaient été expédiées en une heure à Anelcauhat. Il semble qu’il s’y trouve aussi une banque, ce qui permet de tout régler en même temps, mais pour nous ce fut encore plus simple, car nous avions réussi à obtenir des vatus à Nouméa (merci infiniment Valérie !)
Comme tous les autres voyageurs, notre objectif majeur est de nous rendre au sommet de Yasur, le « volcan en activité le plus accessible de la planète » (c’est ainsi qu’il est présenté partout). Mais comme la météo est très ventée et pluvieuse, les grains se succédant tous les quarts d’heures ou toutes les demi-heures, ce ne sont guère des conditions favorables. Nous en profitons donc pour nous promener dans le village et dans les alentours. C’est ainsi que nous faisons la connaissance de Wendy et de ses parents Joanna et Song, ce dernier tout fier de nous montrer la cloche de son église, offerte par un voilier suisse. La connaissance aussi de Susanne, à qui nous payons quelques vatus pour l’accès à la White Beach et servant à financer la constructions de quelques bungalows pour touristes sur cette belle plage face aux vents dominants, et donc battue par les vagues. Nous croisons aussi Caroline, et sa petite fille Melissa, et qui s’avère être la femme de Johnson.
Il est une personne, en revanche, que nous cherchons et qui reste introuvable : c’est Angela, pour qui Isabelle et Pierre nous ont confié quelques habits et fournitures scolaires depuis Nouméa. Nous dépassons leur maison et notre promenade nous mène loin le long de la piste bosselée et bordée de beaux arbres. Ce n’est en fait que le dernier jour de notre séjour que nous finirons par pouvoir la trouver afin de lui donner les cadeaux qui lui sont destinés, et contre lesquels elle insiste que nous prenions des choux, une courge et une petite pastèque à la chair orangée.
Vient le moment de notre visite à Yasur, à la fin d’une très belle journée ensoleillée. Nous grimpons donc dans la benne du pickup que nous a organisé Johnson, et qui se fraye doucement un chemin sur la piste bosselée. Mais en chemin nos espoirs sont douchés, au sens propre, puisque des nuages menaçants approchent et déversent leur contenu sur la bâche que nous installons à la hâte sur la benne pour nous protéger. La route n’est pas trop longue, une heure environ, et l’averse est terminée lorsque la piste atteint la transition brutale entre végétation luxuriante et plateau de lave et de cendres. Nous sommes alors à 300m d’altitude environ, et devant nous se dressent quelques centaines de mètres de marches taillées dans la roche pour atteindre le bord du cratère.
L’activité du volcan est au niveau 2, sur une échelle qui peut atteindre 4, et nous pouvons du coup grimper là-haut, au bord du gouffre, chose impossible si l’activité est bien plus intense. Cependant, à cause des nuages qui enveloppent de temps à autre le sommet, et à cause du vent, qui commande aux agressives vapeurs sulfureuses, nous ne pouvons pas atteindre le point de vue où l’on peut voir le bain de lave au fond du gouffre. C’est qu’il s’agit de ne pas perdre un touriste ! C’est déjà arrivé au cours des trente dernières années, la plus célèbre étant une japonaise ainsi que son guide, transpercés par une roche en fusion. Ce risque n’existe que peu aujourd’hui, car Yasur a décidé de se montrer relativement tranquille pour nous.
Nous voyons quelques pierres gicler bien plus haut que nous, mais loin, et les projections de lave restent bien sagement au fond du cratère. D’autres voyageurs parlent de feux d’artifice bien plus importants, mais cela dépend des jours. Pour autant, le volcan rugit de temps à autre d’une explosion très sonore, et c’est impressionnant d’entendre la terre détonner à ce point. On sent que la montagne gronde et qu’il s’en faudrait de peu pour qu’il faille déguerpir en prenant ses jambes à son cou. Comble de malchance, une nouvelle averse s’immisce dans le spectacle, et nous gouttons alors à la pluie acide, qui pique la peau et les yeux. Décidément, nous sommes en environnement hostile ! Mais lorsqu’une nouvelle éclaircie se produit, le rougeoiement de Yasur dans la nuit maintenant tombée est splendide. Ayant vu un jour calme, déjà spectaculaire, il ne nous est que possible de deviner ce que donnent des conditions plus infernales, mais cela doit être fabuleux et effrayant à la fois.
En redescendant de la montagne, Johnson, qui nous accompagne, nous explique que le lendemain, dimanche, a lieu une réunion de sa famille à laquelle il nous convie. Nous ne comprenons pas bien où a lieu le repas, ni comment, ni pourquoi, mais nous décidons d’accepter en nous laissant guider. La journée commence avec le service religieux. Nous suivons Caroline, et nous réalisons en fait que nous sommes chez les Mormons ! Nous assistons à la séance de catéchisme donnée par Susanne, par ailleurs institutrice, et faisant manifestement preuve d’une pédagogie certaine. Elle enseigne aux enfants, exemples à l’appui, les bases de la morale, en appuyant le message du jour « Choose the Right » par le bel acronyme CTR !
Après le service religieux, auquel nous sommes très bien accueillis, nous apprenons du pasteur David qu’il n’y a qu’un an que cette religion est pratiquée à Port Resolution ! Pourtant la petite case qui sert d’église semble déjà bien remplie de mères de famille et d’enfants (les pères sont moins nombreux). Je demande donc à David pour quelle raison cette conversion, et je m’attendais, en bon occidental, à une raison spirituelle, comme un désaccord dogmatique avec le pasteur de leur précédente foi. Que nenni ! Nous comprenons de l’explication qui suit que l’appartenance de ces familles à l’église des Latter-Day Saints (nom officiel des Mormons) leur permet d’assurer la scolarité des enfants ! C’est, nous l’avons vite compris, le problème pécuniaire principal des Ni-Van’. L’alimentation et le logement sont le résultat de leur travail, mais leur économie vivrière ne permet que difficilement de trouver un moyen de payer les 30’000 vatus trimestriels (environ 250 euros) par enfant. Les internats religieux sont donc une solution populaire (catholiques, mormons et autres).
Au total, et de manière tout à fait caractéristique des autres villages du Vanuatu, les 500 habitants du village se répartissent en au moins huit confessions différentes, des plus traditionnels comme les Presbytériens, aux plus exotiques, comme le culte de John Frum. Tanna a semble-t-il toujours eu une certaine originalité parmi les îles qui l’entourent, et les Tannais sont connus pour leur indépendance d’esprit sinon pour leur esprit d’indépendance… Quelques particularités la distinguent tout d’abord : d’une part l’île est bien plus peuplée que ses voisines, avec 30’000 habitants, et d’autre part, on y parle cinq langues principales (réparties en 24 dialectes environ), en plus du bislama national, du français et de l’anglais. Johnson nous dit d’ailleurs parler huit des 24 langues de l’île !
Au retour du service, nous attaquons en compagnie de Caroline, une marche d’une grosse heure, qui nous mène un peu plus loin que le village voisin, chez Peterson, cousin de Johnson. Entrepreneur, et pas qu’un peu, car il est à la fois guide et traducteur, et donc le point de contact idéal par exemple pour des émissions télévisées comme Thalassa, il est également un véritable Tannais, passionné par son île, par les multiples cultures qu’elle abrite. Il nous raconte ainsi avoir fait des séjours en immersion dans plusieurs des communautés de l’île, à la fois pour apprendre leurs coutumes, qu’elles soient artisanales, culinaires, artistiques ou spirituelles, et également pour apprendre leur langue. Peterson a déjà voyagé en Australie, et au Japon, mais il nous explique que cultiver son potager lui convient mieux maintenant, et qu’il y trouve plus de bonheur que dans la vie moderne telle que nous l’entendons.
Sous le banyan qui abrite la réunion d’une cinquantaine de sœurs, belles-sœurs, cousins, et cousines de la famille (dont nombreux jouent au volley-ball, et bien !), nous faisons face à Yasur qui continue incessamment à fumer. Peterson évoque les croyances des Tannais, l’importance des esprits, des puissances de la Terre (et comment en serait-il autrement face à une montagne de feu ?). Lui, anglophone, et qui comprend un peu le français sans toutefois le parler, nous explique aussi comme les Tannais sont reconnaissants à la France d’avoir fait le contrepoids aux Anglais. « Sinon, nous serions tous des Fidjiens aujourd’hui », nous explique Peterson, faisant par là allusion à l’uniformisation linguistique et au nivelage culturel. Il va de soi qu’en d’autres endroits de l’archipel, le discours doit être inverse, les Britanniques ayant également tempéré les ardeurs colonisatrices de la France. Mais sur Tanna, « c’est grâce aux Français que l’on peut encore parler nos langues et que l’on peut continuer à vivre comme nos ancêtres et boire notre kava », nous dit-il. Et puis en fin d’après-midi, c’est en pickup, avec Stanley, le frère de Johnson, que nous regagnons Port Resolution, à la fois confus d’avoir été les invités de cette réunion de famille, et en même temps contents d’avoir pu nous rendre mieux compte du mode de vie qu’ont choisi les Tannais.
Les conditions météo se sont progressivement améliorées pendant notre séjour à Port Resolution, mais il n’est pas prévu que le vent tourne sensiblement dans les jours à venir. Nous souhaitons donc désormais en profiter pour avancer, car il ne nous sera pas possible d’aborder ailleurs sur l’île. Une île étonnante, dont nous n’aurons – comme d’habitude – que survolé les richesses sans doutes immenses, mais qu’il faut mériter. Tanna ne s’offre pas à quiconque, et nous devinons qu’un séjour prolongé, voire multiple est nécessaire pour la comprendre plus. Tanna reste une terre jalouse de son identité, et ce n’est pas pour rien qu’au moment où le Vanuatu devenait indépendant, elle a souhaité suivre son propre chemin. C’est par la force qu’elle fut finalement intégrée au jeune pays à naître, mais aujourd’hui encore elle tient à souligner ses différences.
Cette fois-ci il fait beau, et le bras de mer séparant Tanna de sa voisine du nord, Erromango, ne fait que 20 milles de large. Nous voyons donc la seconde bien avant de quitter la première, et réciproquement, Tanna est encore en vue lorsque nous doublons la pointe ouest d’Erromango, au coucher du soleil. Nous sommes partis un peu tard, alors c’est au clair de lune que nous mouillons. Mais la bonne nouvelle, c’est la prise d’un petit thon blanc (sur le leurre offert par Valérie et Joël, un deuxième merci !), qui viendra nous faire quelques repas frais, et encore quelques morceaux de filets salés et conservés. Dillon’s Bay est le meilleur mouillage de l’île par temps d’alizé, mais ici encore, ceux-ci vont souffler fort et sans relâche au large, si bien que la nuit, lorsque le vent à la côte disparaît, la houle continue à venir nous narguer et à faire rouler Fleur de Sel. Seule notre deuxième nuit fut acceptable, sur les trois que nous y passerons.
Nous avons profité de nos journées à Dillon’s Bay à la fois pour nous reposer, pour faire quelques petits bricolages, et pour étudier les possibilités météo. Le premier matin, nous avons aussi reçu la visite de David, sur sa pirogue orangée. C’est lui qui s’occupe d’accueillir les yachties, et il nous donne quelques indications. Nous le retrouvons dans l’après-midi lorsque nous débarquons, et il nous guide vers l’intérieur du village, installé sur la rive nord d’une belle rivière. Nous découvrons une communauté très attachante, où chacun semble au travail pour réparer les dégâts dus au cyclone Pam. La dévastation, ici comme dans toutes les îles du sud du pays, a été immense au niveau des cultures, et pourtant, quatre mois après, nous sommes surpris de l’ampleur de la reconstruction déjà effectuée. Les habitations, en revanche, semblent pour l’essentiel avoir tenu le coup. Tout comme ailleurs, les maisons traditionnelles en bois et tressages de pandanus – et particulièrement les abris dont les toits en pente atteignent directement le sol – ont mieux tenu le coup que les habitats plus modernes, en dur, dont les toits en tôles se sont envolés, comme c’est le cas pour la maison de David.
Il nous montre les cocotiers soufflés, sur lesquels ne subsistent plus une seule noix de coco, et les bananiers en train d’être replantés alors qu’il ne reste plus une seule banane dans la région. Et sans que l’on sache si c’est à dessein ou pas, il manie bien l’euphémisme, en nous expliquant que cette année il n’y aura pas de mangues car elles sont toutes « esquintées ». Et pour cause, l’énorme manguier qu’il nous montre gît par terre déraciné. Les années suivantes non plus il n’y aura pas de mangues, mais il semble résigné et nous paraissons plus désolés encore que lui du spectacle. Au bout du sentier, après avoir passé l’école bilingue – avec les bâtiments anglophones d’un côté du terrain de foot et les bâtiments francophones de l’autre – et après avoir passé quelques familles qui plantent l’igname dans leurs jardins, nous atteignons un coude de la rivière. Un beau bassin d’eau claire s’y trouve, et c’est l’endroit où faire sa lessive et se baigner nous explique-t-il. Assurément, l’endroit est enchanteur.
Et pourtant, Erromango elle aussi possède son caractère rebelle. Déjà lorsque Cook aborde l’île lors de son exploration systématique des Nouvelles-Hébrides, le comité d’accueil n’est pas particulièrement sympathique, les indigènes tentant d’attaquer les explorateurs par traîtrise. L’épisode suivant se passe 75 ans plus tard, lorsque le premier missionnaire, John Williams, a rompu un tabou local en débarquant au mauvais endroit. Il fut apparemment tué illico sur la plage, transporté plus loin à un endroit où son corps fut posé sur un gros rocher et son contour taillé dans la pierre avant d’être cuit et mangé. Inutile de dire que l’accueil des habitants d’Erromango aujourd’hui s’est grandement amélioré ! Malgré tout, il est probable que comme ailleurs au Vanuatu une certaine défiance et une méfiance certaine envers les occidentaux subsiste. Les souvenirs sombres des dévastations causées d’abord par les baleiniers et les santaliers, et ensuite par les infâmes blackbirders ne datent finalement que d’hier ou presque et ce qui est surprenant, finalement, c’est qu’une proportion non négligeable de la population nous gratifie de sourires et de signes de la main.
Au retour le long du rivage, David nous montre alors le « yacht club » et les chambres d’hôte qu’il est en train de construire. Le chantier dure depuis plus de 7 ans, et on devine l’essoufflement et la motivation chancelante de l’homme plus tout jeune qui s’est lancé dans un projet peut-être un peu trop grand. Mais cela révèle finalement le sens de l’accueil dont fait preuve David, lui qui cherche peut-être à donner un peu de notoriété à cette île oubliée. Il est vrai qu’une fois fini, le site ne pourra faire que des heureux, aussi bien les voileux de passage accueillis dans la salle du bas, que les touristes séjournant dans l’une des chambres du haut avec une vue simplement fabuleuse sur cette magnifique baie. Comme beaucoup d’autres avant nous, nous ajoutons alors notre petit mot au livre d’or, où nous découvrons la griffe d’une dizaine d’équipages au moins que nous connaissons !
Lors de notre promenade à terre du lendemain, nous rencontrons Amos, un voisin de David qui nous demande si nous savons réparer une installation solaire. Sans être experts, nous avons néanmoins réalisé celle de Fleur de Sel, et nous jetons donc volontiers un œil. Manifestement, le cyclone Pam a endommagé le régulateur et nous ne pouvons rien y faire, mais il nous demande ensuite de quelle manière il faut procéder afin de connecter une deuxième batterie – sans doute car celle dont il dispose faiblit et qu’il a réussi à s’en procurer une autre. L’installation ferait pâlir n’importe quel électricien de chez nous, et même n’importe qui en fait. Les fils sont dénudés en de multiples endroits, et un faux mouvement les ferait entrer en contact. On imagine sans peine l’effet des étincelles sur la maison en bois et tressage de feuilles… Ne sachant pas sur quel pied danser en raison de la météo, nous préférons ne pas nous engager concernant un éventuel retour au village. Aussi, lorsque finalement le lendemain matin nous débarquons, du câble électrique et des outils dans le sac, nous trouvons la maison vide, Amos étant vraisemblablement parti travailler à ses cultures. Nous laissons alors un peu de câble électrique devant sa porte, déçus de ne pas avoir pu l’aider plus.
Cette dernière nuit fut tellement mauvaise, la houle contournant l’île par le sud, que nous souhaitons nous déplacer vers le nord, décidés à voir si les quelques criques un peu plus loin peuvent mieux nous abriter de la mer se réfractant insidieusement le long de la côte sous le vent. Malheureusement, quelques milles plus au nord, l’observation de la mer nous révèle que nous commençons à sentir la houle contournant Erromango par le nord avant même d’avoir quitté celle qui vient du sud. Et effectivement, c’est avec désillusion que nous mouillons dans la baie de Ponamias, tout au nord-ouest, dont la surface est toute animée par les vagues. Finalement, nous étions tout de même mieux à Dillon’s Bay. Nous aurions souhaité rester plus longtemps et explorer cette île intrigante, aux allures de récif surélevé tout comme à Rurutu, dans les Australes. Mais il nous faut nous rendre à l’évidence : le vent doit forcir, pour dépasser les 30 nœuds pendant plusieurs jours, et si Dillon’s Bay ne nous convient pas comme abri (c’est dans ces moments là qu’on souhaiterait avoir un catamaran), ce n’est pas sur Erromango que nous trouverons de refuge. Nous décidons alors de dormir quelques heures, de nous cuisiner un bon repas, et de partir pour Efaté une fois la nuit tombée. Cela devrait nous permettre de rejoindre Port Vila en début de matinée, car il y a cette fois-ci 75 milles à faire.
2 Replies to “En terre de caractère”
clin d’oeil linuxien pour la date :oP
bonne suite !
Nous pensons très fort à vous! Que le Saint Esprit vous aide à trouver le bon chemin à travers le vent et les vagues!! Que notre Seigneur, en son amour, vous guide et vous protège.