Le téléphone mobile du nomade nautique
Les téléphones portables captent-ils en mer ? C’était l’une de vos questions les plus récurrentes, et bien qu’il s’agisse dun appareil très terrestre, nous nous en servons aussi ! Car la réponse est à la fois oui et non. Pour continuer dans la série des moyens de communication que nous utilisons, je vous propose donc aujourd’hui de voir quel usage nous faisons du téléphone portable, et la solution que nous avons retenue. On ne sait jamais, cela peut servir à d’autres que nous.
Tout d’abord quelques informations techniques sur les réseaux mobiles : ils portent en mer tout comme sur terre, et peut-être même encore mieux car il y a moins d’obstacles. Mais évidemment, qui dit réseau dit antennes… A terre on en voit régulièrement, perchées sur un immeuble ou sur un pylône, bien plus que des tours de télévision par exemple. C’est parce qu’une cellule mobile a une taille de l’ordre de quelques kilomètres. Ainsi, selon l’emplacement des antennes à terre, on peut réussir à capter du réseau à une dizaine de kilomètres en mer environ. Dans le skjærgård norvégien, parsemé d’îles, et où l’on trouve des habitations un peu partout, on capte toujours très bien. Aux Iles Féroé, qui n’ont pas de voisin proche et où la côte est élevée, nous avons même capté jusqu’à 25 milles (plus de 40 km). Sans doute y a-t-il peu de parasites sur la fréquence en ces parages reculés, et sans doute peuvent-ils se permettre d’émettre un signal plus fort sans déranger qui que ce soit. A l’inverse, dans le délicieux de mouillage de l’île de Canna, en Ecosse, nous étions coupés de tout, car nous ne captions aucun réseau. Les quelques habitants semblent faire sans, et nous étions à une quinzaine de kilomètres de la côte de Skye, elle-même couverte de manière assez sporadique. Vous le voyez, la couverture mobile est assez variable, mais pour faire simple, nous dirons qu’en longeant une côte, à une distance de 5 kilomètres de la côte par exemple, en général nous captons un réseau. Et à l’inverse, une chose est claire : en traversée, passé quelques dizaines de kilomètres en mer, nous ne captons plus rien.
Cela a des implications multiples pour nous, qui voyageons à bord d’un bateau. En premier lieu, du point de vue de la sécurité, nous ne pouvons pas dépendre de notre téléphone mobile en cas d’urgence, par exemple pour appeler des secours. En haute mer, pas de réseau, et en navigation côtière, il est malgré tout possible qu’il n’y en ait pas non plus. Mais ce n’est pas tout. Le téléphone permet d’établir une communication point-à-point, c’est-à-dire que nous pouvons joindre un correspondant dont nous connaissons à l’avance le numéro. Mais il ne nous est pas possible d’appeler un bateau que nous croisons si nous n’avons pas échangé nos numéros au préalable. C’est aussi un deuxième handicap sérieux en termes de sécurité. Car en cas d’urgence, un ami à des milliers de kilomètres a bien moins de chance de pouvoir vous aider qu’un bateau proche dont vous ne connaissez pas le numéro. Voilà pourquoi le téléphone mobile ne fait pas partie du SMDSM (ou GMDSS en anglais, le système mondial de détresse et de sécurité en mer), ce qui est le cas par exemple de la VHF.
Rassurez-vous, nous n’avons pas jeté notre téléphone mobile à l’eau pour autant ! Car d’une part s’il fonctionne, rien n’interdit de s’en servir en cas d’urgence, évidemment ! Et surtout, nous avons bien d’autres préoccupations que la simple sécurité ! Nous sommes des voyageurs en plus d’être des marins, et nous allons d’escales en escales, tout en gardant contact avec nos familles et amis. Et pour cela le téléphone portable nous est bien utile. Mais il faut faire attention, vous connaissez tous le piège des vacances à l’étranger, où l’addition au retour est salée si vous n’avez pas fait très attention à votre temps de conversation en roaming. Eh bien en ce qui nous concerne, nous sommes en roaming permanent, imaginez donc ! Ce serait fortement pénalisant si l’on s’en tenait à la solution classique du mobile national, qu’il soit français (« portable »), belge (« GSM ») ou suisse (« Natel »). Dans ce cas-là, nous n’en aurions pas, car ce serait bien trop lourd pour la caisse du bord…
Mais heureusement, nous sommes en 2009, et nous pouvons malgré tout nous affranchir des bonnes vieilles cabines téléphoniques, car il existe maintenant des opérateurs virtuels par callback. Une nouvelle explication s’impose… Il s’agit d’une carte prépayée comme on en trouve au niveau national, mais auprès d’un opérateur transfrontalier, qui a passé des accords avec de nombreux opérateurs dans de nombreux pays. En bref, si nous sommes en Suisse et que nous souhaitons appeler en Belgique, plutôt que ce soit nous qui appelions effectivement, ce sera l’opérateur qui de son central nous rappellera en Suisse, et appellera la Belgique pour nous, en interconnectant les deux communications. Lorsque nous passons un appel, nous recevons donc d’abord un appel avant la tonalité. Ca induit un petit délai de quelques secondes, mais rien de bien pénible. D’autre part, nous avons pu constater que la couverture fonctionne plutôt bien, malgré quelques petits couacs avec Vodafone en Irlande.
Avant de partir, nous étions sur le point de faire affaire avec un opérateur qui nous semblait pratique, car basé en Suisse, avec une facturation en euros. Le jour où nous nous sommes décidés, le site ne répondait plus. Nous avons appris quelques jours plus tard, en nous étonnant d’une panne si longue, qu’il avait fait faillite… Ouf, quelle chance d’avoir évité de jeter de l’argent par la fenêtre ! C’est vrai que c’est un risque en utilisant ce genre de solution. Nous avons finalement opté pour un autre opérateur, américain (Telestial), avec facturation en dollars, ce qui nous arrange ces temps-ci vu le taux de change. Mais voyons maintenant les avantages que nous procure ce mode de fonctionnement.
Nous avons un numéro de téléphone, unique. C’est un numéro estonien, qui commence par +372. Ca étonne un peu dans un premier temps, et ça peut paraître intimidant, mais finalement l’Estonie est un pays de l’Union Européenne, et pour nous appeler, ça ne vous coûte donc généralement pas plus cher que d’appeler un autre pays européen. C’est le bon côté pour nos correspondants, qui ne dépensent pas une fortune en nous appelant. Qu’en est-il pour nous ? Dans un grand nombre de pays, qui sont définis sur le site de notre opérateur, les appels entrants sont gratuits, et c’est le grand avantage, puisque nous ne payons donc pas de frais de roaming. Dans certains autres pays, où ce n’est pas tout à fait gratuit de recevori un appel, il y a une tarification à la minute pour les appels entrants, mais elle reste généralement modérée, et en tout cas meilleure marché qu’un roaming classique. Comment cela se passe-t-il lorsque nous souhaitons passer un coup de fil ? L’opération est celle du callback décrit ci-dessus, et question tarifs, ils sont ici aussi précisés sur le site de l’opérateur et relativement abordables dans la plupart des pays, souvent quelques dizaines de cents par minute, et bien évidemment à notre charge tandis que le correspondant appelé ne paye rien. Enfin, un fonctionnement sans surprise concernant les SMS. Nous pouvons en envoyer et en recevoir. Mais surtout, il est possible de nous envoyer des SMS gratuitement à partir d’Internet. N’hésitez donc pas à en faire usage si vous voulez nous écrire, c’est on ne peut plus simple. Au global, un fonctionnement plutôt pratique, non ? Et clairement avantageux par rapport à un abonnement classique.
Voilà, vous savez tout sur notre téléphone portable, qui ne doit pas vraiment vous surprendre, car il n’a presque rien de différent du vôtre, puisque nous en faisons une utilisation somme toute très similaire. En revanche, l’opérateur fonctionne un peu différemment pour s’accommoder des contraintes du voyage, et c’est une solution très pratique pour quelqu’un qui compte faire un long voyage dans plusieurs pays, à la voile ou autrement. En bref, vous pouvez donc nous appeler quand vous voulez pour prendre de nos nouvelles ! Si ça ne sonne pas, c’est probablement que nous sommes en traversée, loin des côtes. Et si ça sonne mais que nous ne répondons pas, c’est probablement que nous sommes en train de manoeuvrer et vous pouvez réessayer un peu plus tard.