Course contre la montre vers l’ouest
C’est sans anicroche que nous avons franchi le Great Australian Bight, cet immense golfe ouvert au sud dont nous vous parlions la fois passée. Mais pour autant, il nous a fallu bien jouer avec la météo : la saison ayant avancé, il nous était désormais impossible de bénéficier d’un bel anticyclone à déplacement lent pour nous procurer des vents portant tout au long de la traversée. Pas le choix, nous devions prendre un front en mer à un moment ou un autre, l’essentiel étant qu’il soit maniable, et de n’en prendre qu’un seul ! Portés par des vents de sud-est à est, nous avons donc d’abord vogué vers le sud-ouest, jusqu’à atteindre 34°S environ. Le vent ayant continué sa rotation au nord-est, nous avons ensuite empanné pour poursuivre plein ouest, car c’est à cette hauteur que nous souhaitions passer dans la partie la moins vigoureuse du front à venir. Plus au sud, nous aurions été plus proches de la dépression associée, avec davantage de vents d’ouest. Plus au nord, nous aurions été plus proches du continent surchauffé, avec un risque accru d’orages violents. Nous croisons pendant ces premières journées de mer un pêcheur puis un cargo, et la navigation est très plaisante, sous un beau soleil.
Au troisième soir se présente la masse nuageuse, ce qui nous permet de vérifier la règle de base des traversées : les fronts passent toujours la nuit. Vers 22h, le vent saute subitement au sud-ouest, puis il revient à l’ouest quelques heures. On devine d’abord de gros orages au nord, puis un peu plus tard d’autres un peu moins intenses dans notre sud, mais pour notre part, nous ne subissons qu’un petit crachin intermittent, avant que le temps ne se dégage et que le vent ne tourne au sud. L’air est alors plus frais, et dans la journée suivante, nous avons la visite de quelques dauphins et de muttonbirds, ce qui est assez rare. En effet, après la côte d’Australie Méridionale particulièrement foisonnante de vie marine en raison d’un upwelling estival, le Bight est en revanche un “désert abyssal”, à l’image du désert continental qui le jouxte. Nous bénéficions alors encore d’une belle journée de navigation au cours de laquelle la mer se réorganise après le passage frontal, et comme prévu le vent nous lâche lors de la nuit suivante, à quelques dizaines de milles de notre but.
Au petit matin, progressant au moteur, nous avons Daw Island en vue. C’est la plus orientale de l’Archipel de la Recherche, un semis d’îles, d’îlots, de roches, de cailloux, de récifs qui s’éparpillent sur 130 milles d’est en ouest, débordant la côte jusqu’à 30 milles au large. A première vue, un beau danger pour la navigation, donc, surtout dans les nombreuses zones non-hydrographiées, comme par exemple la partie est dans laquelle nous arrivons. Mais les pierres éparpillées deci delà sont de véritables gemmes, faisant de l’archipel une vraie parure. De plus, les plages au sable étincelant de cette côte sont régulièrement plébiscitées par les Australiens comme étant les plus belles du pays, ce qui n’est pas une mince affaire dans un pays qui en compte plus de dix mille et qui compte encore mille fois plus d’experts balnéaires ! Nous nous réjouissons donc de visiter ce coin enchanteur. Enchanteur mais difficile, et la météo vient nous le rappeler.
Nous avons bien repéré les mouillages nous procurant un abri contre les coups d’ouest, qui sont habituels par ici et parfois sauvages, mais malheureusement, là, c’est un coup de vent de nord-est qui se prépare – à cause d’une petite dépression devant se former tout juste à côté sur le continent, une situation plutôt inhabituelle. Le seul mouillage recensé et abrité du nord-est, à Cape Arid, se trouve à 50 milles et est grand ouvert à la houle du sud-ouest, une perspective qui ne nous réjouit guère. Le seul véritable abri, lui, est à 100 milles, l’atteindre avant l’arrivée du coup de vent demanderait de naviguer de nuit dans cet archipel aussi mal pavé que cartographié. Tout aussi peu réjouissant, d’autant que cela demanderait de faire une croix sur la visite de l’archipel, que nous aurions laissé dans le sillage. Ce serait dommage, d’autant que les dômes de granit de Daw Island, où nous sommes venus mouiller, sont magnifiques, entourés de végétation verdoyante (il doit vraiment pleuvoir souvent ici !), et de lande prenant des teintes allant du jaune à l’orangé.
Heidi décortique donc les photos satellite de la côte – nous n’avons pas de réseau, mais nous avons pris l’habitude de charger avant nos navigations les images Google Earth, et parfois celles venant d’autres sources également, ce qui fait un complément fabuleux aux cartes marines, particulièrement dans les coins mal hydrographiés, c’est-à-dire ceux où l’on aime bien aller. Et elle découvre, à quelques milles au nord-est de Israelite Bay une petite échancrure qui semble prometteuse, car protégée par une petite pointe rocheuse et par un récif affleurant, et où la couleur du sable laisse penser que nous trouverons assez d’eau. Nous recevons de plus l’aide à distance de Jérôme, qui nous aide à mieux comprendre la situation météo, peu évidente à saisir avec la quantité d’informations forcément limitée dont on dispose par la seule liaison satellite. Le plan d’action se dessine, nous filons nous abriter dans notre mouillage improvisé, et notre faible tirant d’eau nous permet effectivement d’atteindre la petite baie sablonneuse et bien protégée. Alors que le vent soufflera bien fort dehors, nous aurons à bord 25 noeuds, peut-être 30, et un léger roulis à marée haute, mais la plupart du temps ce fut parfait et nous en avons profité pour nous reposer.
Une fois le vent calmé, nous étions d’attaque pour explorer ce fameux archipel, ce que nous avons fait pendant près d’une semaine, passant d’abord à l’intérieur de Bellinger Island avant d’aller mouiller à Middle Island. Puis nous sommes passés le long des Twin Peaks Islands en route vers Nares Island, qui ferme la Duke of Orléans Bay – eh oui, c’est le royaliste D’Entrecasteaux, à la recherche de Lapérouse, qui a baptisé quantité d’îles, de baies et de caps par ici, l’archipel prenant même le nom de son navire, la Recherche. Notre étape suivante nous a mené vers le parc national du Cape Le Grand, avec un arrêt déjeuner dans la belle (mais inconfortable) Lucky Bay, avant d’aller dormir devant la très ventée O’Brien Beach. Et enfin, nous avons terminé notre exploration par un arrêt à Woody Island avant d’atteindre ce soir-là la petite ville d’Esperance. Nous profitons de ces journées pour explorer ici ou là, faisant avec le temps changeant, qui apporte régulièrement son rayon de soleil. Sur Middle Island, nous retrouvons de beaux blocs et dômes de granit, roche qui constitue l’essentiel de l’archipel et du relief côtier. Mais nous y découvrons surtout le Pink Lake, un lac extrêmement salé et de couleur rosée, comme son nom l’indique. Une vision très étonnante sur une île dans ces parages, et qui nous rappelle plutôt le sud de la Bolivie ! Lors de notre séjour dans la Duke of Orléans Bay, nous randonnons dans les superbes environs en faisant le tour du Mt Belches. L’eau turquoise y enchasse admirablement le granit rose-orangé et les plages de sable blanc. Et puis une nouvelle promenade, sur Woody Island, nous permet d’admirer de beaux arbres, de beaux oiseaux, et d’atteindre un panorama splendide sur le Cape Le Grand et sur les îles d’Esperance Bay, le tout sous un soleil de plomb.
L’Espérance était, comme on l’a déjà vu dans le sud tasmanien, le nom de l’autre vaisseau de l’expédition D’Entrecasteaux, et nous relâchons dans le petit port éponyme, le premier sur la côte d’Australie Occidentale lorsqu’on vient de l’est. C’est une petite bourgade chaleureuse, et le yacht-club est, lui, des plus accueillants. Nous n’y rencontrons que peu de monde, cependant, car les membres les plus actifs sont justement partis pour leur virée annuelle dans l’archipel. En venant de Middle Island, nous les avons croisés en mer, et les uns après les autres nous ont appelé à la VHF pour nous souhaiter la bienvenue, le premier pour nous proposer une place d’amarrage et nous donner les contacts pour ce faire, les suivants pour s’assurer que nous avions bien quelque chose d’organisé, les places disponibles étant peu nombreuses. Lorsque nous arrivons à Esperance, nous ne sommes pas seuls pour autant : alors que le vent de nord-est souffle vigoureusement, nous avons la chance que Ted nous passe les amarres. Ted et son épouse Frances ont grandi l’un et l’autre sur un voilier, et cela fait maintenant des décennies qu’ils naviguent sur leur joli petit voilier Kylie. Ils ont bourlingué de par le monde et les soirées que nous passons ensemble sont très intéressantes et agréables. L’aide de Ted était d’autant plus appréciable que l’amarrage se fait entre des piles le long d’un quai central.
Il faut dire que dans le sud-ouest de l’Australie, la marée change de caractère. Les marées semi-diurnes de l’est avaient déjà cédé la place à des marées mixtes en Australie Méridionale, comme on en avait déjà rencontrées dans le Pacifique ou en Amérique du Sud. Mais dans la zone que nous abordons, nous allons à présent découvrir les marées diurnes, comme j’en avais déjà vues dans mon enfance dans le Golfe du Mexique – à savoir qu’en l’occurrence il n’y a le plus souvent qu’un seul cycle de marée par jour et non pas deux, et qu’il n’y a un marnage conséquent qu’autour de la pleine lune et de la nouvelle lune, avec des marées hautes qui ont alors lieu autour de la mi-journée, tandis qu’aux autre moments du mois le marnage en devient négligeable ou presque. L’amplitude des marées reste dans tous les cas limitée, ce qui explique qu’un quai à hauteur fixe convienne, un peu comme en Méditerranée. L’autre particularité dans cette région, c’est que nous retrouvons une déclinaison magnétique quasi-nulle – c’est-à-dire le décalage entre l’indication du compas magnétique et le nord vrai. Dans la majeure partie de l’Atlantique, elle était significativement à l’ouest, tandis que dans le Pacifique elle avait été significativement à l’est (atteignant tout de même +26° dans le sud de la Nouvelle-Zélande !) En Australie Occidentale et en Indonésie, nous renouons avec une navigation simplifiée où l’on ne prend quasiment pas en compte cette déclinaison (mais par la suite elle atteindra -29° en Afrique du Sud…) En résumé, beaucoup de chose se simplifient dans ces parages, ce qui nous permet de nous focaliser sur la météo, et ça tombe bien parce que celle-ci demande qu’on lui prête attention.
Nous repartons en effet très vite d’Esperance, après deux jours à peine d’escale, tout juste le temps de faire de l’avitaillement et des lessives. Une bonne fenêtre se présente pour avancer avec du bon vent d’est et nous en profitons. C’est que nous sommes doublement pressés. En fait nous sommes engagés dans une sorte de course contre la montre, l’horloge en question était celle des saisons. Nous sommes alors déjà le 11 mars, et cela signifie qu’il ne reste qu’une grosse semaine jusqu’à l’équinoxe. Evidemment, chaque situation est particulière et le climat d’une année sur l’autre subit des variations locales qui peuvent être importantes. Pour autant, le schéma général, lui, se déroule inexorablement, et nous savons qu’avec les semaines qui passent, les anticyclones – qui évoluaient en plein été bien au sud de l’Australie, repoussant les dépressions encore plus au sud et atténuant la vigueur des fronts – vont progressivement pouvoir passer sur le continent qui ne chauffe plus autant en plein soleil. Il en résultera que progressivement les dépressions vont pouvoir étendre leur champ d’action, les vents d’est disparaissant progressivement et les vents d’ouest devenant plus fréquents au point de s’installer complètement, tandis que les passages frontaux deviendront plus musclés. Or, il nous reste encore 400 milles à gagner vers l’ouest avant de pouvoir mettre le cap au nord, et il est communément admis que la saison favorable pour parcourir la côte sud comme nous le faisons se termine fin mars. Plus nous attendons, plus la progression deviendra difficile, et nous connaissions les règles du jeu déjà avant de nous lancer sur cette route – nous avons d’ailleurs bien progressé en un mois et demi, parcourant déjà plus de 1’500 milles depuis la Tasmanie !
Un deuxième impératif s’ajoute cependant à celui-ci. Malheureusement le père de Heidi nous a quitté il y a déjà plusieurs semaines, et Heidi a décidé fin février de se rendre en Europe. Le billet d’avion est pris pour le 31 mars, justement car nous savons que la saison demande que l’on termine cette route avant de pouvoir appuyer sur le bouton pause. Au pire, si l’on ne parvient pas à Perth à temps, nous savons qu’Heidi arrivera certainement à trouver un bus pour l’aéroport de Perth, que ce soit au départ d’Albany, d’Augusta, de Busselton, de Bunbury ou de Mandurah, mais autant arriver le plus près possible, afin qu’elle puisse faire et voir le maximum du trajet et que j’aie le minimum à faire en solitaire pour rallier Perth.
Ce nouveau tronçon va donc nous mener jusqu’à Albany avec un halte rapide pour une nuit. Au début le temps est agréable, et nous dégageons progressivement vers le large. Nous souhaitons passer du côté du Bremer Canyon car s’y trouve, parait-il, une vie marine abondante. C’est un courant marin dû au canyon qui fait remonter d’importantes quantités de nutriments, ce qui permet de nourrir toute la chaîne alimentaire. Or, ce sont les créatures qui en occupent le sommet qui nous intéressent le plus : des orques ! Malheureusement, nous ne parvenons à trouver aucune information précise sur la localisation exacte, le waypoint étant sans doute jalousement gardé par le tour-operator et par les scientifiques. Si bien que même en scrutant attentivement la zone aux jumelles pendant tout notre passage, nous ne verrons rien. Dommage. Revenant vers la côte, nous atteignons Dillon Bay juste avant la nuit, et autant ce soir-là qu’en repartant le lendemain matin, nous apercevons dans les nuages grisâtres la teinte dorée de grandes étendues de sable dans l’intérieur. Nous sommes habitués à voir du sable sur la côte et des collines rocheuses, mais ici c’est l’inverse : une côte rocheuse et de grandes “flaques” de sable dans les hauteurs, étonnant ! La navigation du lendemain nous fait passer à côté de Bald Island, sur laquelle nous aurions bien aimé débarquer si le temps l’avait permis, mais nous ne ferons que contempler ici encore le superbe granit et les beaux lichens orangés, tandis que l’île est battue par les vagues sous un ciel de plomb.
Nous atteignons la région d’Albany à la nuit tombée et nous tentons d’abord de mouiller à Ledge Bay, dans le nord de King George Sound, mais cette baie s’avère bien trop rouleuse. Nous repartons donc peu avant minuit pour entrer dans le grand port naturel de Princess Royal Harbour, en ayant au passage l’impression de transformer Fleur de Sel en gros porteur, tant les flashs synchronisés des balises du chenal d’accès donnent l’impression d’une piste d’aviation. Désormais, la fenêtre météo s’est refermée, et nous mouillons alors que le coup de vent d’est (encore !) se lève. Dans la noirceur, impossible de viser du sable dégagé d’algues, et quelques heures plus tard, l’ancre chasse, si bien que nous devons remouiller maintenant sous la pluie battante, mais l’ancre tiendra bien cette fois-ci. Le lendemain, le soleil est revenu, mais il y a toujours une brise bien fraîche, et nous sommes bien contents d’aller nous amarrer à la récente Waterfront Marina, en face du centre-ville. Comme la plupart des marinas et quais d’Australie Occidentale, celle-ci est gérée par le Department of Transport, ce qui signifie que les tarifs sont loin d’être donnés (la marina est d’ailleurs à moitié vide), et qu’en plus les exigences en termes d’assurance responsabilité civile sont draconiennes. Heureusement, avec notre attestation d’assurance traduite en anglais, cela passe sans souci, mais attention toutefois, il est demandé une couverture jusqu’à 15 millions de dollars !
A ce stade, la météo est partie pour deux beaux passages frontaux – les fameuses tempêtes d’équinoxe ? – si bien que nous savons qu’il ne nous sera pas possible de doubler le Cape Leeuwin avant une dizaine de jours, du moins pas dans des conditions comme on les aime. Nous choisissons donc de profiter de notre escale à Albany pour faire un tour en voiture dans le sud-ouest australien. C’est l’une des régions que nous souhaitions le plus visiter de l’intérieur, mais nous pensions initialement faire cela depuis Busselton ou Bunbury, après avoir passé le cap. Le faire au départ d’Albany nous permet finalement de conjuguer la découverte des grandioses forêts du grand sud (Great Southern) et de la région viticole de Margaret River, ce qui est parfait.
En route, nous visitons donc la Valley of the Giants en parcourant l’impressionnant Treetop Walk – une passerelle suspendue à 40m de haut, dans la canopée des gigantesques arbres Red Tingle, Yellow Tingle et Karri, trois des plus grandes espèces d’arbres au monde. Nous parcourons également des pistes dans le Mt Frankland National Park et dans le Shannon National Park, où les forêts sont majestueuses. Nous admirons l’étonnant alignement des Four Aces, quatre karris exactement alignés, ainsi que le Diamond Tree Lookout, un gigantesque karri sur lequel sont plantés des pieux formant un escalier en colimaçon permettant d’atteindre le sommet sur lequel se trouve une plateforme de surveillance pour détecter les feux de forêts – nous n’en grimpons qu’une dizaine de marches ! Autant de spectacles étonnants, ainsi que plusieurs jolies petites villes forestières comme Denmark où il semble faire bon vivre, Walpole, ou Pemberton, ainsi qu’une pléthore de noms terminant tous par “-up” ! (Manjimup, Nannup, Nornalup, etc.)
Nous passons deux soirées à Margaret River, petite ville désormais à la mode depuis qu’elle est devenue le centre de la très récente région viticole du même nom (premier vignoble planté en 1967). Le climat méditerranéen y a une tendance nettement plus océanique qu’ailleurs en Australie, et pourtant les étés sont si secs que chaque domaine a son ou ses “ponds”, de petits étangs de récupération d’eau de pluie qui servent à irriguer pendant la saison sèche. Les vins que nous goûtons lors de notre journée passée à flâner de caves en vignobles sont tout aussi prometteurs que ceux que nous avions goûtés auparavant, et comme nous avons une voiture, nous faisons un bon stock ! Le dernier jour de notre location, nous en profitons pour aller voir le petit massif montagneux des Porongurup, à 50km au nord d’Albany. Après une petite marche vigoureuse, suivie d’un peu d’escalade, nous atteignons le “Skywalk”, une plateforme entourant l’un des dômes de granit, et de laquelle on domine les alentours décidément bien plats, à l’exception du Stirling Range que l’on devine encore 50km au nord – le seul endroit d’Australie Occidentale où la neige tombe parfois…
De retour à Albany, nous faisons les habituels avitaillement, lessives, bricolages et nettoyages. Nous y avons aussi retrouvé Kaylie, mais Ted est partir travailler 10 jours dans le centre du pays, alors nous invitons Frances à prendre un verre à bord un soir. Et puis nous voilà de nouveau en route. Nous nous positionnons dans le sud de King George Sound, à l’extérieur d’Albany, pour un soir, histoire de gagner quelques milles contre le vent, et le lendemain matin nous levons l’ancre. Le front vient de passer et la houle est encore bien haute, si bien que le contournement de la Flinders Peninsula, et en particulier de Bald Head qui la termine, est d’autant plus épique que nous devons louvoyer sur quelques milles. Nous appuyons au moteur pour passer au plus vite cette zone où la mer malmène bateau et équipage, et puis nous pouvons enfin ouvrir les voiles et gagner en vitesse. La vitesse, nous n’en manquerons pas par la suite, Fleur de Sel parcourant les 175 milles en 26 heures tout juste, soit presque 7 noeuds de moyenne ! Il n’y a pratiquement aucun abri valable sur cette côte. Et encore, nous venons nous amarrer dans la toute nouvelle marina d’Augusta, bourgade située juste sous le Cape Leeuwin. Avant 2015, il nous aurait fallu passer le cap dans la foulée, ce qui demande une météo maniable sur une période plus longue encore. Le vent d’est, qui nous a secoués toute la nuit, a levé une mer bien courte et haute, si bien qu’il ne faut pas rater l’entrée dans le port, sous peine de finir sur les cailloux. Mais nous venons nous abriter sans encombre. Cette petite halte nous permet, le lendemain, de faire à pied les quelques kilomètres qui nous séparent du cap et d’y admirer le site, la vue, et son phare mythiques.