Caprices d’anticyclone sur la route du Nord
Notre problème mécanique ne nous a pas beaucoup retardés, puisque le vent était aux abonnés absents. Insaisissable, il l’a été pendant plusieurs jours, un anticyclone ayant choisi la côte ouest scandinave pour nicher. Une fois le moteur réparé, nous avons donc remis le cap au nord-est, en zig-zagant au gré du vent. Faible souvent, contraire quasi-systématiquement, et parfois s’évanouissant… Nous avons tiré des bords, et testé notre moteur avec sa jeunesse retrouvée. Tout semble marcher correctement, mais notre anticyclone s’était mis en tête de nous montrer tout ce dont il est capable. En effet, anticyclone ne rime pas toujours avec beau temps ensoleillé et paisible…
A commencer le soir même de notre départ d’Ålesund. Arrivés vers 23 heures au mouillage de Lyngvær (admirable mini-archipel perdu au milieu de larges fjords), il nous est tombé dessus un orage bien costaud, le baromètre en a sauté au plafond puis est retombé par terre. Pour notre part, on a pris deux fois de bonnes rafales, on s’est bien fait rincer, et surtout on a du changer d’emplacement deux fois, les rafales venant à chaque fois d’une direction inattendue. Le moteur a tenu le choc, c’est bon signe ! Vers 3h (à l’heure où le soleil se lève), on a enfin pu dormir sur nos deux oreilles. Bon. l’orage n’avait rien changé à la chaleur presque caniculaire qui baignait nos contrées septentrionales : 30° depuis plusieurs jours, c’est à n’y rien comprendre, et Nicolas en a profité pour se baigner et faire la toilette du bateau par la même occasion !
Le surlendemain, alors que nous terminions de justesse le passage délicat de Hustadvika, nous nous sommes fait envelopper par un beau mur de brouillard, quelques minutes avant de passer sous le pont de l’Atlantershavsveien (un cordon routier construit sur de multiples ilots). Heureusement, car quelques minutes plus tôt nous étions encore en train de négocier le passage jonché d’écueils repérés par de nombreuses perches, ce qui donne à Hustadvika une réputation certaine parmi les navigateurs norvégiens. La délivrance est venue avec l’entrée dans le fjord suivant, vers l’intérieur des terres, puisque la brume n’a pas tardé à se dissiper, ne réussissant pas à pénétrer aussi profondément vers l’intérieur. Brouillard d’advection ou brouillard de mélange, les paris vont bon train entre nous deux, et merci à celui qui saura me dire de quoi il s’agissait (c’était le 1er juillet 2009 en milieu de journée).
Petit interlude culturel à Kvernes, site d’une très belle “église en bois debout” (stavkirke). Le nom français de cette spécificité architecturale norvégienne n’est pas du tout explicite, mais il s’agit en fait d’églises construites sur une structure de poutres verticales. Il n’en reste que quelques dizaines dans tout le pays, et celle-ci est presque la seule qui nous soit facilement accessible. Le site est superbe, surplombant un croisement de fjords, avec des montagnes encore enneigées dans le fond. Pendant ce temps, la brume continuait sa tentative d’incursion dans les terres, et les fjords se faisaient envahir de nuées plus ou moins persistantes.
Continuant notre route en passant devant la ville de Kristiansund, mais sans nous y arrêter, nous avons cette fois-ci commencé à goûter au fort vent de nord-est propulsé par l’anticyclone directement depuis le pôle, et ce alors que nous commencions la remontée de la large (et longue !) Trondheimsleia. Nous ne nous plaignons bien-sûr pas du beau temps persistant lié à cette situation qui dure toujours aujourd’hui. Mais la température de l’air s’est progressivement mise à baisser pour être bien fraîche aujourd’hui, et surtout la direction du vent ne nous sied guère… Nord-est c’est précisément là où nous voulons aller. Nous avons donc mis 3 jours à remonter la Trondheimsleia, en louvoyant, peinant à atteindre un port où laisser Fleur de Sel une journée, le temps de prendre un ferry rapide pour remonter le Trondheimsfjorden.
En effet, Trondheim, première capitale de Norvège, est nichée au fond d’un fjord, loin de la mer, et ce serait un long détour pour nous, puisque nous sommes loin d’atteindre les vitesses des catamarans rapides qui sillonnent la côte. Quant à la suite de notre route, elle est toujours au nord-est, et nous espérons donc que le vent tournera un peu. Parce qu’après le force 1, l’orage, la brume et le force 6 contraire, nous aimons bien l’anticyclone scandinave, mais peut-être pourrait-il nous laisser passer ?