Catégorie : Chili

« ‘spis di Penas ! »

« ‘spis di Penas ! »

Arrêtés devant le passage à niveau, barrières fermées, à attendre que le train (de dépressions) passe, nous avons patienté presque six jours. C’est long, et dans ce laps de temps, alors que Fleur de Sel était amarrée bien sagement dans la jolie Caleta Lamento del Indio, pas moins de quatre fronts nous sont passés dessus, tour à tour. Evidemment, nous trépignions d’impatience, le train prenait des allures de convoi de marchandises interminable, et suspendus à la réception des cartes météo et des fichiers GRIB, chaque jour nous nous faisions la même réflexion : c’est déjà l’automne, et on se dit que plus on attend, moins il y aura d’occasions de franchir ce passage difficile. Il ne faudra pas louper l’occasion lorsqu’elle se présentera, même si évidemment elle ne sera jamais idéale. Nous avions déjà connu pareils cas aux Iles Féroé ou en Ecosse, alors que nous étions tard en saison. Alors on s’occupe comme on peut : il y a toujours du bricolage à faire, et notre combiné déporté de VHF fonctionne maintenant à nouveau. On en profite pour se mitonner de bons petits plats. On se repose en bouquinant ou en regardant des films. La station du phare de San Pedro nous appelle chaque jour pour savoir quelles sont nos intentions, et pour nous donner les prévisions météo pour les heures à venir.

La Loi de Murky

La Loi de Murky

Puerto Edén est une micro-bourgade atypique, construite face au continent, sur l’Isla Wellington. C’est la plus grande de l’archipel patagonien, qui s’étend du Détroit de Magellan au Golfo de Penas, et elle n’abrite que les 200 habitants de Puerto Edén. On découvre tout d’abord l’Armada, située non pas au village mais de l’autre côté de la baie, dans des locaux provisoires. Les locaux habituels sont en reconstruction après un incendie, chose qui ne nous surprendra pas, car tout est en bois et en tôle ondulée, et on se chauffe au bois. Après y être passés pour vérification de nos papiers, nous avons donc traversé la baie pour rejoindre le village, qui s’étire tout en longueur, au fil d’un chemin de planches en bois longeant la petite anse du port. Il faut tout de même un peu de temps pour visiter l’endroit, chose que nous avons faite au cours des deux jours que nous y avons passés. En débarquant sur le quai principal, on fait connaissance avec les très aimables Carabineros, les gendarmes du coin, qui nous renseignent sur tout. On rend visite à Julia, qui peut nous préparer du pain et faire notre lessive, et on repère l’Almacén, situé de l’autre côté de la colline, et où les produits frais seront vendus lorsque le ferry arrivera de Puerto Montt. On fait aussi connaissance avec José Navaro qui stocke le carburant et dont nous prendrons deux bidons. On croise aussi quelques indiens, les derniers des Alacalufs qui vivent maintenant ici. La plupart tuent le temps en errant sur le chemin emprunts d’une odeur alcoolisée, mais une indienne nous propose de lui acheter quelques objets d’artisanat.

Adieu aux cinquantièmes

Adieu aux cinquantièmes

Lorsqu'il se montre, le Campo de Hielo Sur sait faire bonne impression !

On prendrait presque nos petites habitudes, même sous ces latitudes. De retour sur le versant ouest des Andes, nous avons retrouvé nos petites caletas étroites, boisées, protégées. Presque intimes. Nous avons aussi retrouvé la pluie et le vent, accolytes inévitables des dépressions incessantes qui balaient le Pacifique Sud pour venir buter sur la cordillère. Nous étions prévenus, le principe était déjà évident, mais nous avons maintenant acquis de l’expérience à propos du fonctionnement météo de cette région. Pour faire simple, le vent vient du nord et il pleut. Lorsque les cartes météo indiquent du vent de NW, dans les canaux cela soufflera du nord et il pleuvra presque sans discontinuer sous un ciel plombé. Lorsque les prévisions sont de SW, cela soufflera aussi du nord, et il y aura des averses parfois assez violentes entrecoupées de quelques très courtes éclaircies. Et quand un front passe, c’est-à-dire toutes les 36 heures en moyenne, il va venter et pleuvoir, plus encore que d’habitude, et on a intérêt à être bien à l’abri. C’est plutôt simple, non ? De toutes les manières, les autres situations sont rarissimes, tant le flux d’ouest est puissant. Et rétrospectivement, on en apprécie d’autant plus les quelques jours de beau temps qui nous ont permis de sortir du Détroit de Magellan. Car le ballet des perturbations a repris de plus belle, et au moment où la têtière de grand’voile nous a lâchés à la sortie du Seno Unión, un beau monstre est en approche…

Notre traversée des Andes

Notre traversée des Andes

Dans l'Estéro de las Montañas, nous verrons une quantité phénoménale d'oiseaux évoluer dans des décors mi-marins mi-montagnards. Superbe !

Bernardo O’Higgins et José de San Martin, les deux héros de l’indépendance chilienne et argentine, l’ont fait en leur temps. Pour avoir franchi les Andes un peu comme un Hannibal ou un Napoléon sud-américain, ils sont encore vénérés aujourd’hui des deux côtés de la cordillère. Un peu plus au sud, et surtout de manière bien moins épique, Fleur de Sel a aussi connu son moment de vertige andin, elle qui par la suite sera cantonnée à une navigation au pied du plus long relief du monde. Car le beau temps dont nous avions profité en longeant le détroit de Magellan rendait bien évident le fait que sur notre tribord, les montagnes étaient là, toujours en encore. En approchant de l’embouchure du Canal Smyth, une énorme calotte glaciaire scintille d’ailleurs dans le soleil déclinant.

Photos & panoramas de Terre de Feu

Photos & panoramas de Terre de Feu

Vue prise de la rive ouest de la Caleta Horno (Argentine)

Entre réparation de guindeau, réapprovisionnement et visites dans les terres, quelques instants volés ici ou là nous ont permis de trouver une connexion internet pour mettre en ligne quelques photos. Des clichés du Beagle essentiellement, mais aussi plusieurs panoramas.

Arrivée à Puerto Natales

Arrivée à Puerto Natales

Parcours de Fleur de Sel en Terre de Feu

Après un mois d’autonomie, nous voici arrivés à Puerto Natales, bien à l’intérieur des terres. Il faudra encore patienter pour pouvoir voir les photos de ces semaines magiques, mais en attendant, vous pouvez d’ores et déjà nous suivre sur le tracé mis à jour sur la page parcours. A bientôt pour la suite !

Adieux fuégiens et cache-cache pacifique

Adieux fuégiens et cache-cache pacifique

Le vent d’ouest, ou de nord-ouest est une constante dans l’ouest fuégien. Espérer une rotation est un signe de foi infaillible, et il vaut mieux miser plus pragmatiquement sur une variabilité de sa force, chose que nous avons faite. A la première accalmie, nous avons donc embouqué le Canal O’Brien, présenté un peu comme la porte vers un autre monde. Vous remarquerez au passage que l’on reste dans la toponymie anglo-saxonne, puisque cet étroit chenal se faufile entre l’Isla O’Brien et l’Isla Londonderry, pour mener ensuite vers l’Isla Stewart. Cela dit, il est toujours surprenant d’entendre comment les chiliens, avec leur plus bel accent castillan, prononcent ces noms bien britanniques !

Avenue des glaciers

Avenue des glaciers

La Terre de Feu est une île un peu particulière, et peut-être est-ce cela qui contribue à son côté mythique. La majeure partie de l’île s’adosse à l’Atlantique, et est constituée de plaines sablonneuses dans le nord, et couverte de steppes, tandis que le relief se lève un peu vers le sud, par exemple vers la Péninsule Mitre que nous avons passée en venant du Détroit de Le Maire. Mais à l’ouest d’Ushuaia prend racine une péninsule au littoral tarabiscoté, qui va jusqu’au Pacifique, et sur laquelle s’élève la Cordillère Darwin.

Ushuaia et Puerto Williams : derniers préparatifs

Ushuaia et Puerto Williams : derniers préparatifs

Ushuaia est une ville mythique, dont à peu près tout le monde connait le nom, non seulement car c’est la plus australe de la planète, mais encore parce que sa situation dans le Canal Beagle en fait l’escale ultime. A presque 55° sud, cela équivaudrait chez nous à Copenhague ou Glasgow. Mais le Gulf Stream n’existe pas dans l’hémisphère sud, et mis à part le « cône austral » de l’Amérique, aucun continent habité n’ose pointer son nez aussi bas. Imaginez d’ailleurs que dans le Pacifique Nord, ce sont les Aléoutiennes et le Kamchatka qui se situent à ces latitudes, et cela tempère aussitôt l’impression que nous nous situons à des latitudes tempérées ! Pourtant, il semble exister un petit microclimat dans le Beagle, qui protège à la fois des vents les plus forts et des pluies torrentielles qui existent à l’ouest de la Terre de Feu.