Il y a un peu de nervosité dans l’air en quittant la Caleta Horno. Un peu de nervosité et d’excitation. En effet, nous entamons sans doute l’un des tronçons les plus risqués de notre tour d’Amérique du Sud. Le climat y est rude et musclé, les vents d’ouest soufflant souvent avec violence. Il faut ajouter à cela la marée et le courant, phénomènes bien connus, mais qui compliquent un peu la navigation, le marnage atteignant plus de 12 mètres du côté de Santa Cruz et Rio Gallegos, et le courant plus de 8 nœuds à l’entrée du Détroit de Magellan. Mais tout cela n’en serait pas si stressant s’il n’y avait autre chose : l’absence quasi-totale de bon abri tout au long de cette côte déjà inhospitalière. Sur les 700 milles qui séparent la Caleta Horno du Détroit de Le Maire, il n’y a que très peu d’abris, et ce sont de mauvais abris. Dans l’entrée de Puerto Deseado, le moins pire d’entre eux, il y a jusqu’à 6 nœuds de courant. Le mouillage côté ville est exposé aux tempêtes d’ouest et sud-ouest, et le débarquement impose de faire confiance au moteur hors-bord, sans lequel l’annexe et ses infortunés occupants se retrouveraient incapables de rejoindre le rivage ou le bateau. En cas de tempête, donc, nous aurions le choix entre ce type de réjouissance ou un coup de tabac en mer, et c’est pourquoi nous redoutons ce tronçon avec tout le respect qui se doit. Nervosité, donc…